C’est à croire qu’un mauvais sort s’acharne sur la thérapie génique, cette thérapie que d’aucuns voudraient croire miraculeuse alors que les déboires n’en finissent plus de s’accumuler. Dernier en lice : un virus utilisé pour insérer les nouveaux gènes pourrait transmettre, en même temps, le cancer.

En soi, la crainte était dans l’air depuis le plus grand drame à avoir frappé la thérapie génique : en 2002 (voir ce texte), un rétrovirus avait provoqué la leucémie —ou cancer du sang— chez trois enfants français soumis à une thérapie génique expérimentale. Un an plus tôt, aux États-Unis, on avait découvert un haut taux de tumeurs dans le foie de souris adultes qui avaient traitées en bas âge.

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Le mot « expérimentale » est très important ici, parce que la thérapie génique est toujours, même après plus d’une décennie d’histoire, une thérapie expérimentale : aux résultats positifs sur des animaux de laboratoire se sont succédés craintes et interrogations sur les effets secondaires —et cette histoire de leucémie a brutalement mis un frein aux expériences.

Comme son nom l’indique, la thérapie génique tourne autour des gènes : elle consiste, si on simplifie, à insérer un gène sain pour corriger ou atténuer les effets d’un gène défectueux. Pour insérer ce gène, on utilise un virus rendu inoffensif.

Autant en 2001 qu’en 2002, personne n’était vraiment sûr de la façon dont ces cancers avaient pu se développer. C’est la réponse à cette question que prétend apporter cette nouvelle étude : Mark Sands et ses collègues de l’Université Washington à Saint-Louis (Missouri), qui était également derrière l’étude de 2001, affirment que le virus ou « vecteur » utilisé pour transmettre le gène (AAV pour adeno-associated virus) est bel et bien le coupable : 33 à 56% des souris traitées ont développé une tumeur au foie, contre 4 à 6% des souris qui n’ont pas été traitées. Chez quatre des six souris examinées dans un autre laboratoire, le chromosome 12 des cellules de la tumeur s’est révélé identique à celui du virus.

Les résultats, parus dans la dernière édition de la revue Science, portent un nouveau coup dur à la thérapie génique, dont on voit mal pour l’instant comment elle pourra se remettre. Interrogé par Science toutefois, un autre expert, Mark Kay, de l’Université Stanford, fait remarquer que le taux élevé de tumeurs n’avait pas été observé auparavant chez les milliers de souris ayant reçu l’AAV, pas plus que chez des chiens qui ont été traités il y a six ans et davantage, et qui continuent d’être observés depuis. Les tumeurs du laboratoire de Mark Sands auraient-elles une cause propre à l’expérience de Mark Sands, c’est-à-dire un facteur encore inconnu?

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