Ceci n’est pas un rapport alarmiste de plus. C’est un état de la situation.

- A elle seule, l’agriculture a fait disparaître 6 millions d’hectares de forêts tropicales par année depuis 1990. Et on demande aux hectares cultivés d’être plus productifs qu’avant, ce qui épuise les sols. Ce n’est pas fini, puisque la population mondiale devrait atteindre les 8 milliards en 2025.

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- Parmi ces 8 milliards, d’ici 2025, près du quart (1,8 milliard de personnes) pourrait faire face à des pénuries d’eau. Et ça ne fait que commencer, puisque les prélèvements d’eau des pays en voie de développement vont croître de 50% d’ici 2025.

- La contamination de l’eau reste la première cause de maladie et de décès à l’échelle mondiale.

- En Europe, 90% des terres agricoles souffrent d’excès de nitrates. Le nitrate, celui des engrais, utilisé justement pour arracher aux terres agricoles plus de production et plus vite, se retrouve dans l’eau des rivières, où il entraîne une explosion des algues. Les algues bouffent l’oxygène, entraînant la mort de plusieurs espèces végétales.

- Ces plantes marines ne sont elles-mêmes qu’une partie du portrait : le rythme de disparition des espèces pourrait être 100 fois plus élevé que celui révélé par l’analyse des fossiles des deux extinctions précédentes.

- C’est que lorsqu’on prononce les mots disparition des espèces, on s’attarde généralement à la « mégafaune charismatique », c’est-à-dire les animaux qui, comme l’ours polaire ou le gorille, font de belles photos. Mais on oublie les milliers d’autres êtres vivants qui, de l’insecte au poisson, sont à la base de la chaîne alimentaire et dont la disparition peut bouleverser tout un écosystème. « Une sixième extinction majeure est en cours ».

- Puisqu’on parle des poissons : 75% des réserves de la planète sont exploitées au-delà de leurs limites. Pourtant, si rien ne change, la demande en poissons pourrait augmenter de 1,5% par année, alors qu’entre les années 1960 et les années 1990, la pêche commerciale menée au large de l’Afrique (essentiellement par des Européens) a été multipliée par six.

- Environ 60% des cours d’eau ont été détournés ou coupés par des barrages. Un fleuve sur 10, parmi les principaux fleuves mondiaux, n’atteint plus la mer, plusieurs mois par année.

- Parmi les rares bonnes nouvelles: l’Asie et le Pacifique, où vit 60% de la population mondiale, sont les deux régions qui ont fait les plus gros progrès depuis 20 ans pour réduire la pauvreté. La région « améliore également sa capacité de protection de l’environnement, son efficience énergétique augmente dans de nombreux endroits et l’approvisionnement en eau douce a progressé de façon considérable. »

- Mais ces progrès ont un prix. Augmentation du niveau de vie signifie augmentation de la consommation, qui signifie augmentation des déchets, des problèmes de santé liés à la qualité de l’air urbain, des problèmes d’eau douce, de l’utilisation des terres agricoles.

- Rien qu’au sujet des déchets : « le trafic illégal de déchets électroniques et dangereux est un nouveau défi qui touche la santé humaine et l’environnement. »

- De plus, avec l’arrivée de ces pays en voie de développement dans le club des pays développés, l’accroissement des besoins en énergie risque de s’accélérer : 53% de plus d’ici 2030.

- Déjà, avec seulement 5% de la population mondiale, l’Amérique du Nord « consume un peu plus de 24% de l’énergie primaire mondiale ». La consommation d’énergie, au Canada et aux États-Unis, a augmenté de 18% depuis 1987.

- De sorte qu’à moins d’imaginer une conversion-miracle à des énergies propres, cet accroissement des besoins en énergie veut dire un accroissement des gaz à effet de serre, donc une accélération du réchauffement, donc que les calottes glaciaires continueront de fondre... 60% de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes.

Ces données, et bien d’autres, proviennent d’un rapport de 550 pages, GEO4 (Global Environment Outlook), de la Commission mondiale sur l’environnement, celle qui, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, avait publié, il y a 20 ans, le rapport Brundtland : c’était, à l’époque, le premier bilan exhaustif des dégâts causés par les humains.

Le rapport Brundtland avait eu l’effet d’un coup de fouet sur les mouvements écologiques alors embryonnaires. Ce rapport-ci, publié jeudi dernier, arrive à une époque de l’histoire où il risque moins de faire parler de lui : des dizaines d’autres rapports ont dressé un portrait tout aussi décourageant. Il se distingue par contre des autres par son ampleur : des centaines de chercheurs provenant de dizaines de pays y ont contribué, et des milliers ont assuré sa révision.

Et il a l’avantage du recul : en jetant un regard sur ce qu’était la situation en 1987, il peut souligner quelques éléments positifs, comme l’élimination, à 95%, des produits néfastes pour la couche d’ozone et la prise de conscience populaire face à l’environnement.

Bien que l’objectif du GEO4 ne soit pas de faire des prévisions, les prévisions se dégagent d’elles-mêmes des constats. Les dégâts prendront une allure catastrophique, à moins que l’humanité ne modifie radicalement son fonctionnement... en adoptant un rythme de vie moins boulimique. Et vite.

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