Il y a bien longtemps qu’on ne vous a pas parlé de l’éthanol dans ces pages. Décrié par les écologistes depuis au moins une décennie, il n’en continue pas moins d’être étiqueté « développement durable » par les politiciens, en particulier en Amérique du Nord. Il semble que l’offensive « anti-éthanol » vienne d’atteindre une nouvelle phase.

Et une fois encore, c’est du secteur de l’économie que provient l’étude qui a droit à la plus grande couverture médiatique. L’économiste en chef des Marchés mondiaux CIBC —la branche corporative de la banque CIBC— Jeff Rubin dresse une analyse dévastatrice du « choix économique » qu'est l'éthanol, pourtant censé n'être rien de plus qu'un substitut écologique aux carburants actuels des automobiles.

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Premier point : si le programme de conversion à l’éthanol lancé par le président Bush se réalise, en 2017, 35 milliards de gallons d’éthanol seront produits, contre un milliard en 2000. Un chiffre impressionnant, mais qui ne représentera que... 6,5% des ventes d’essence.

Or, pour en arriver à ce chiffre, il faudra :

- du gaz naturel pour la distillation de l’éthanol à partir du maïs - du diesel pour les tracteurs puisque la production de maïs grimpera en flèche - davantage d’essence pour faire rouler davantage de camions-citernes

Ces trois derniers éléments sont précisément ceux que pointent les écologistes depuis une décennie, lorsqu’ils veulent faire comprendre pourquoi la conversion à l’éthanol ne signifiera pas nécessairement une baisse des gaz à effet de serre. Mais Rubin pousse plus loin son analyse, au-delà du secteur des transports.

Des champs d'éthanol subventionnés

Il se penche sur l’agriculture : pour arriver à ces 35 milliards de gallons, il faut en effet augmenter considérablement la production de maïs. Or, déjà, la hausse de la demande de maïs a fait monter les prix en flèche : 60% en deux ans. En partie parce que la production de céréales, elle —les céréales en général, pas juste le maïs— était déjà en baisse, avant ce « virage éthanol ».

En termes économiques, dans une telle situation, on parle d’un marché déséquilibré : il y a énormément de demande, pas assez d’offre. Dans une pareille situation, il n’y a souvent qu’une seule solution pour rétablir l’équilibre : les subventions gouvernementales.

Le programme américain de conversion à l’éthanol a imposé une taxe de 54 cents par gallon d’éthanol pour soutenir les agriculteurs américains, afin d’empêcher que les futurs acheteurs n’importent de l’éthanol du Brésil. En chiffres absolus, on parle de subventions de 8 milliards en 2006, pour aider les agriculteurs à se convertir au maïs (ou à augmenter leur production) à des fins d’éthanol.

Au Canada aussi, le gouvernement subventionne : il a annoncé un investissement de 1,5 milliard$ sur sept ans pour la promotion de carburants renouvelables, dont l’éthanol. L’objectif final, là aussi, est modeste : en 2010, l’essence devrait être composée à 5% de « contenu renouvelable ».

Jeff Rubin prédit que les coûts du panier d’épicerie augmenteront de 5% l’an prochain et de 7% en 2009, résultat de cette production croissante d’éthanol —parce que si le maïs coûte plus cher, les animaux qui mangent le maïs coûtent eux aussi plus cher. Si sa prédiction se réalise, ce sera l’inflation la plus importante en 25 ans dans le secteur alimentaire.

Autrement dit, non seulement l’éthanol pourrait-il ne pas être moins polluant, mais en plus, il est possible qu’il ne soit même pas économiquement rentable!

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