C’est LA nouvelle scientifique de la semaine. Depuis dimanche, les médias de la planète battent à l’unisson de ce coeur qui n’en est pas tout à fait un, mais qui était mort. Et qui ne l’est plus.

La percée est tellement mystérieuse qu’on hésite sur l’épithète : « coeur fantôme »; « coeur reconstruit »; sans oublier la « décellularisation », un mot bien compliqué pour dire qu’on a « déshabillé » le coeur mort de ses vieux haillons pour les remplacer par des habits tout neufs capables de se multiplier à nouveau.

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Et une fois cela fait, ça y est : ce coeur ainsi « remis à neuf » bat à nouveau. De tout petits battements de coeur, certes, qui seraient insuffisants pour faire vivre de vrais rats. Mais de vrais battements de coeur tout de même. Assez pour pomper du sang, comme tout bon coeur doit le faire.

S’agit-il d’un espoir pour la réparation de coeurs endommagés ou même pour la création en laboratoire de coeurs en vue de transplantations? C’est effectivement le rêve ultime, mais comme on s’en doute, il est encore loin.

À travers le monde, selon ce que rapportent les médias cette semaine, 22 millions de personnes souffriraient de problèmes cardiaques, un chiffre qui va considérablement augmenter avec l’arrivée massive des baby-boomers dans la soixantaine. D’où l’intérêt que suscite cette recherche...

C’est que le coeur est une merveille de la nature, mais une merveille incapable de se réparer elle-même. Si certains animaux comme la salamandre peuvent voir repousser leurs membres, si notre peau peut se régénérer, le coeur, lui, est comme une vieille voiture dont on n’a plus les pièces de rechange : quand c’est foutu, c’est foutu.

C’est pourquoi de nombreux chercheurs jonglent depuis des années avec les biotechnologies. Certains ont tenté l’injection de cellules souches. D’autres ont fait « pousser » en laboratoire des fragments de tissus cardiaques dans l’espoir qu’ils puissent ensuite se greffer aux zones endommagées du coeur -un peu comme la tourbe qu’on installe là où le gazon a été endommagé.

L’équipe gagnante cette semaine, dirigée par Doris Taylor, bio-ingénieur à l’Université du Minnesota à Minneapolis, a choisi une autre voie. D’abord, du détergent injecté à travers les vaisseaux sanguins d’un coeur de rat mort. Douze heures plus tard, les cellules ont été « lessivées », ne laissant que les vaisseaux sanguins au milieu d’une structure externe comparée par les chercheurs à du jello : « cela ressemble à un coeur fantôme », d’expliquer Doris Taylor (sur la photo, c'est celui de droite).

À cette structure, ils ont ensuite greffé des cellules cardiaques saines, provenant de rats nouveau-nés. Et c’est là que s’est produit le miracle espéré : trois jours plus tard, les nouvelles cellules avaient réaligné les vaisseaux sanguins et, avec l’aide de stimulations électriques, le tout avait commencé à émettre de minuscules, imperceptibles, battements. Encore quelques jours, et les battements étaient visibles à l’oeil nu. Le coeur pompait le sang.

Il pompait à seulement 2% de ses capacités normales, mais un pompage, c’est un pompage. « Nous n’avons pas essayé de pousser le système (à ses limites) pour l’instant », explique Taylor à la suite de la parution de ces résultats dans Nature Medicine. « Nous voulions voir si c’était juste une idée folle. »

Si peu folle que, entre la fin de ces recherches et leur publication cette semaine, elle et ses collègues ont déjà commencé de semblables expériences sur des porcs. Un pas de plus vers les humains, quand on se rappelle combien nos coeurs et ceux des porcs sont semblables.

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