Si vous aviez écouté 5 heures de nouvelles télévisées cette semaine aux États-Unis, vous auriez eu droit, en moyenne, à 1 minute de science. Et si vous lisez depuis 20 ans un quotidien qui était doté d’une page « Science », il y a deux chances sur trois pour que, depuis, cette page soit disparue.

Ce sont deux des —rares— occasions où le mot « Science » apparaît sur les écrans radar du rapport annuel sur L’État des médias d’information (State of the News Media 2008), un rapport devenu en cinq ans une référence dans le monde des médias nord-américains. En quelques centaines de pages, les auteurs —le Project for Excellence in Journalism (PEJ), affiié au Centre de recherche Pew de Washington— dressent un portrait sans pareil des avancées , des reculs et... des incertitudes face à l’avenir.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Et le fait que l’information scientifique (ou le journalisme scientifique) y apparaissent si peu ne constitue pas une mauvaise note pour ce rapport : c’est au contraire le miroir du peu d’importance qu’occupe la science dans les médias des États-Unis et d’ailleurs que ces chercheurs ont analysés.

Ainsi, à la télé :

- aux nouvelles télévisées des grands réseaux (en soirée), la science représentait 2% du temps d’antenne, et l’environnement, 3% (vive le réchauffement climatique!);

- aux nouvelles télévisées des chaînes câblées (dont CNN), la proportion était de 1% pour l’environnement... et de moins de 1% pour « la science et la technologie ». En comparaison, la criminalité occupait 13% sur le câble.

Qu’en est-il d’Internet, avec ses promesses d’offrir une information différente des « vieux » médias? Guère mieux : 1% pour la science et 1% pour l’environnement.

En fait, il n’y a qu’avec l’actualité internationale, constate le PEJ, qu’Internet se démarque des journaux, des magazines et de la télévision : dans tous les autres domaines —la politique américaine, les célébrités, le sport, etc.— les pourcentages se ressemblent d’un média à l’autre.

À quoi bon garder un journaliste scientifique?

Là où la tendance est encore plus dramatique pour la science, c’est du côté des journaux. L’étude cite une chercheure de l’Université Harvard qui a recensé dans les années 1980, un grand total de 91 pages ou sections consacrées à la science, dans les quotidiens des États-Unis. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 35 « et la majorité ont été recentrées vers la santé personnelle ».

Une des raisons, mais pas la seule, c’est que les journaux ont coupé dans leur personnel ces dernières années. Parmi ceux qui ont écopé, on note les journalistes spécialisés, dont ceux spécialisés en science. La situation ne semble pas vouloir s’améliorer, parce que dans les quotidiens, la moyenne d’âge des spécialistes restants est élevée, et ils seront bientôt tous partis à la retraite.

Impact négatif, écrit le PEJ : un accroissement de l’influence des responsables des relations publiques. « Le journaliste qui écrit sur une recherche sortant d’une université ou d’un hôpital local peut ne pas obtenir le contexte nécessaire à distinguer une véritable percée d’un battage publicitaire. »

Il faut souligner que la science n’est pas seule à avoir subi le couperet : dans leur volonté d’économiser, d'une part parce que le tirage continue de baisser (2,5% en semaine), mais d'autre part parce que les propriétaires de journaux subissent de leurs actionnaires une pression pour maintenir les marges de profits, les quotidiens américains ont coupé 3000 postes depuis la fin de l’année 2000; plusieurs journaux majeurs comme le Boston Globe ont fermé leurs bureaux à l’étranger, d’autres ont mis fin à leurs critiques de cinéma ou de livres, préférant désormais s’alimenter à un autre journal du conglomérat dont ils font partie.

Et le Project for Excellence in Journalism prédit avec assurance : « vous n’avez encore rien vu ».

Pour les optimistes qui comptent sur Internet pour rattraper le coup, il faudra être patient. En 2007, les revenus publicitaires ont augmenté moins vite que ce qu’annonçaient les prévisions. Tout de même, cela donne une croissance appréciable de 26% (contre 35% l’année précédente), passant à 15,2 milliards$, selon l’Internet Advertising Bureau.

Mais cette somme est moins impressionnante qu’elle en a l’air quand on constate qu’elle tombe essentiellement dans les poches des « très gros ». À eux seuls, Google, Yahoo, AOL et MSN ont reçu 85% des revenus publicitaires —et chez eux, la science est pratiquement inexistante; en fait, chez deux d'entre eux (Google et Yahoo), la production de contenu original est pratiquement inexistante.

A lire: Le rapport du Project for Excellence in Journalism : State of the News Media 2008

Je donne