Lait vitaminé, jus enrichi de calcium, œufs oméga-3, yogourts au bifidus. Les aliments seraient-ils maintenant destinés à nous soigner autant qu’à nous nourrir?

« Je suis assez sceptique sur l’aliment miracle qui nous soigne de nos maux, sanctionne Marie-Dominique Beaulieu, titulaire de la Chaire Docteur Sadok Besrour en médecine familiale. Les problèmes de santé englobent beaucoup d’autres éléments. » La spécialiste était l’un des invités du dernier café scientifique, L’aliment, un médicament? qui se déroulait récemment au Cœur des sciences de l’UQAM.

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Info-bouffe et malbouffe

Malgré tout, certains aliments sont considérés comme importants pour une saine alimentation. On leur reconnaît même des vertus pour éloigner certains risques de contracter des maladies, tels certains cancers. « Des études montrent que certains prébiotiques, comme l’inuline que l’on trouve dans l’ail, les oignons ou les asperges, réduiraient l’incidence des cancers colorectaux » soutient le Dr Béliveau. Ces prébiotiques stimulent la croissance de certaines bactéries bonnes pour la santé ce qui aurait un rôle dans la réduction des maladies intestinales et aiderait, entre autres, à combattre la constipation.

Parmi la liste d’épicerie des « bons aliments », on retrouve aussi les céréales de grains entiers. Ces grains renferment des substances nutritionnelles très importantes jouant un rôle dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. « Des réductions de 40 % de risque, c’est énorme », s’exclame le Dr Béliveau. La vedette est actuellement les graines de lin. Il recommande d’en consommer une cuillère à thé tous les jours en prévention.

Tout au long de la soirée, les invités ont plutôt mis de l’avant le Guide de l’alimentation canadienne. Ils ont par contre montré du doigt le « Vasy » du monsieur bleu des publicités visant à valoriser la saine alimentation. « Il y a encore beaucoup de travail à faire sur la communication. Les gens mangent trop sucré et trop gras, mais il faut prendre les gens pour des personnes intelligentes et responsables », pense la Dre Beaulieu.

La malbouffe – véritable fléau — sévit cruellement auprès d’une population pauvre et mal informée. Ce qui fait les choux gras de l’industrie agroalimentaire. « L’épidémie d’obésité demande à ce qu’on revoit notre alimentation. C’est une question de santé publique », pense le Dr Béliveau. Ce qui serait à portée de fourchette.

Malgré les études longitudinales sur les populations et celles en pharmacologie, il s’avère encore hasardeux d’établir l’équation « aliment = guérison ». « Les médecins se font souvent demander de cibler un aliment. La recette est plutôt de manger sain et varié », affirme la Dre Beaulieu.

Tous les experts s’entendent pour affirmer que l’on ne peut pas prendre un aliment pour un médicament. « Un aliment ne peut pas être réduit à une molécule », soulève Jean-Louis Brazier. Si certains d’entre eux peuvent aider à prévenir, on ne parle pas de se guérir en consommant des carottes. « Il faut faire la distinction entre la prévention et la guérison. Renverser le processus de la maladie demande plus que de manger des brocolis », ajoute de son côté Dre Beaulieu.

Les invités ont défait également quelques mythes autour du bien manger. Les suppléments ne peuvent ainsi pas remplacer une bonne alimentation et bien manger ne coûte pas cher. « Les légumineuses sont des aliments fantastiques qui ne coûtent pas cher. Le chou aussi, et il fournit trois repas » renchérit le Dr Béliveau. Il a également dénoncé les croyances autour des résidus de pesticides des fruits et légumes. « Une légende urbaine. Le cancer provient en premier lieu de la consommation de tabac et de l’obésité », tranche-t-il.

Les experts se sont également penchés sur le « paradoxe français ». Alors que les Français consomment une alimentation riche et boivent du vin en abondance, ils présentent le taux le plus bas des maladies cardiaques. « On nous sert les antioxydants – issus du tanin du vin — à toutes les sauces, mais les Français ne vivent pas plus longtemps, ils meurent de maladies différentes comme la cirrhose du foie », affirme Jean-Luis Brazier.

Les bons aliments

Les aliments fonctionnels se multiplient et innovent arborant le label « santé » pour mieux séduire les consommateurs. Mais comment choisir dans cette abondance de produits?

« Le label naturel fait vendre. Si on veut une source d’oméga-3, il vaut mieux manger du poisson que des pilules », tranche Jean-Louis Brazier, professeur à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Français d’origine et adepte de « bonne bouffe », il pense qu’en matière d’alimentation aussi nous subissons une abondance d’informations qui nous nuit: « Nous vivons une époque d’“infobésité” qui profite à ceux qui vendent ces produits dits santé. Il circule beaucoup d’amalgames et de fausses informations. Le consommateur doit faire marcher son GBS : Gros Bon Sens ».

Une opinion que partage Richard Béliveau, titulaire de la Chaire de recherche en prévention du cancer à l’UQAM et coauteur des livres Les aliments contre le cancer et Cuisiner avec les aliments contre le cancer. « Les gens ne font pas la distinction entre les informations qui proviennent du livre d’un médecin et celles qu’ils trouvent sur le web. »

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