Il fallait bien que ça arrive un jour. Même une tendance généralisée au réchauffement pendant un siècle signifie qu'il y aura des années consécutives pendant lesquelles la température cessera de grimper, voire diminuera : en termes savants, on appelle ça une... moyenne! Sauf que c’est un problème de communication en perspective pour les climatologues.

« Trop de gens croient que le réchauffement planétaire signifie un réchauffement monotone et linéaire année après année », résume le Dr Kevin Tremberth, du Centre national de recherches atmosphériques au Colorado, en commentant une étude parue dans Nature le 1er mai, et qui a fait beaucoup jaser.

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Cette étude est la première à tenter de faire des prévisions d’une grande précision, non pas à l’échelle du siècle, mais à l’échelle de la décennie. Ce faisant, elle conclut que, dans le cadre du réchauffement planétaire en cours, la décennie 2005-2015 pourrait être marquée par une réduction de la température moyenne par rapport à la température moyenne de la période 1994-2004.

En temps normal, une telle étude, extrêmement pointue et qui consiste en des interprétations préliminaires de données et de graphiques, n'aurait fait parler d'elle que dans les cercles restreints. Mais elle contient le mot-clef « refroidissement ». Les enviro-sceptiques ont donc sauté sur l’occasion pour lui faire dire qu’elle concluait que la Terre était en train de se refroidir.

Six collaborateurs de Real Climate, ce blogue qui, depuis 2004, suit les hauts et les bas du climat dans la culture populaire, n’ont pas manqué de jeter le blâme sur les médias : ils auraient mal résumé cette étude. Mais l’étude elle-même était accompagnée d’un communiqué de presse plutôt provocateur : « Le réchauffement climatique prend-il une pause? »

Ce dont parlent dans Nature Noel S. Keenlyside et ses collègues de l’Institut Leibniz des sciences de la mer, en Allemagne, c’est de « prévisions à l’échelle de la décennie dans la région de l’Atlantique Nord ». Dans leur conclusion, donc, ils écrivent que les températures à la surface pourraient ne pas augmenter au cours de la période 2005-2015, par rapport aux chiffres de la période comparable précédente (1995-2004), parce que les phénomènes océaniques connus contrebalanceraient temporairement les effets "humains".

Les auteurs de Real Climate vont même plus loin : cette prévision, pour la période 2005-2015, est-elle exacte? « Nous sommes prêts à parier le contraire » : et eux, dans un article séparé, de se lancer alors dans une complexe démonstration sur le modèle informatique qui conviendrait le mieux, disent-ils, à la décennie en cours.

Le fond du problème est là : à l’heure actuelle, les données dont disposent les climatologues et les outils informatiques permettent aux modélisations de prévoir, sur un siècle, une courbe indéniablement à la hausse: jusque-là, c'est du solide. Mais pour prévoir « seulement » une décennie, cela suppose de regarder à la loupe cette courbe : on s’aperçoit alors que la progression est en dents de scie, ce qui n’a rien d’étonnant. Mais quelle est la taille des « dents »? Répondre à cette question suppose un niveau de raffinement qu'aucune équipe n'a encore atteint, au point où cette équipe allemande désigne ses calculs comme « préliminaires ». C’est une « prévision expérimentale ».

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