Les attentes envers Barack Obama deviennent de plus en plus élevées. Les scientifiques et les amateurs de science s’emballent : déjà, un Prix Nobel comme ministre de l’Énergie, c’est une première, mais que dire d’un conseiller scientifique qui est un expert international sur les énergies et le climat?

Peu de gens connaissent John Holdren à l’extérieur de la communauté scientifique, mais ce physicien de l'Université Harvard qui possède une réputation en béton, en appelle depuis des années à des actions urgentes pour réduire la dépendance au pétrole et au charbon. Il a aussi été un des premiers à critiquer ouvertement le gouvernement Bush pour son ingérence dans la science. En annonçant le 20 décembre que John Holdren, 68 ans, serait le futur conseiller scientifique du Président, l’équipe de Barack Obama a envoyé un message clair : les changements climatiques auront la cote à la Maison-Blanche.

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Quant à Steven Chu, 60 ans, Prix Nobel de physique 1997, spécialiste mondial des questions d’énergie, c’est un autre physicien avec un CV long comme le bras —et c’est lui aussi un scientifique qui, ces dernières années, a déclaré que les réductions des gaz à effet de serre imposées par le Protocole de Kyoto n’allaient pas assez loin. À titre de directeur du Laboratoire Lawrence Livermore, en Californie —un des hauts lieux de la recherche en physique et en chimie— il a notamment décidé ces dernières années d’allouer davantage de fonds aux recherches sur les énergies nouvelles (solaire et biocarburants).

La semaine dernière, on apprenait qu’il serait le nouveau Secrétaire à l’énergie, c’est-à-dire le ministre de l’Énergie des États-Unis. C’est la première fois qu’un Prix Nobel se retrouve au sein du cabinet du président des États-Unis, ce serait même la première fois qu’un scientifique encore actif est nommé ministre de l’Énergie.

Quel concept original, ironise le San Francisco Chronicle : nommer un scientifique à un poste où les plus gros dossiers seront les changements climatiques et les énergies alternatives!

Un retard de 8 ans

Chu et Holdren, en plus d’être en opposition radicale avec huit ans d’une Maison-Blanche « anti-climat », symbolisent le virage vers les énergies alternatives et les économies d’énergie, virage dont les écologistes espèrent qu’il constituera la priorité des 100 premiers jours du gouvernement Obama.

Dans une conférence donnée en septembre et rapportée par le Washington Post, Steven Chu comparait les dangers des changements climatiques avec ceux d’une défectuosité électrique chez vous : supposons qu’un ingénieur vous explique qu’il y a 50% de chances que votre maison brûle dans les prochaines années, si vous ne dépensez pas 20 000$ pour réparer. « Vous pourriez continuer de magasiner jusqu’à ce que vous trouviez l’ingénieur sur 1000 qui acceptera de vous donner la réponse que vous attendez —« votre famille n’est pas en danger »— ou vous pouvez faire les réparations. »

En plus d’Holdren et Chu, les experts ont souligné la nomination de Carol Browne comme responsable (« tsar ») de l’environnement et de l’énergie —un poste nouveau, créé sur mesure. Et de Jane Lubchenco comme directrice de l’Agence nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA), un organisme que cette biologiste marine a critiqué dans le passé pour avoir sous-estimé le problème de la surpêche.

Le virage se vérifie aussi à l’extérieur de ces nominations scientifiques : Bill Richardson, futur ministre du Commerce, est actuellement gouverneur du Nouveau-Mexique. Il avait été ministre de l’Énergie sous Clinton et au Nouveau-Mexique, il fut un fervent défenseur des énergies vertes.

Certes, il y a des inquiets. Steven Chu n’avait pas encore été officiellement nommé que, déjà, on soulignait son inexpérience politique —et ses sympathies pour le nucléaire. Avec un budget de 25 milliards, dont un tiers consacrés à la sécurité nationale, le ministère de l’Énergie, ce n’est pas de la petite bière. Et le lobby du pétrole et du charbon ne disparaîtra pas comme par enchantement.

Mais en attendant, ces nominations et d’autres redonnent confiance, après huit années pendant lesquelles la science a été malmenée et parfois même réécrite, quand ses conclusions ne plaisaient pas aux politiciens.

Le simple fait que la nomination de John Holdren comme conseiller scientifique du Président ait été annoncée un mois avant l’intronisation de Barack Obama, est révélatrice : en 2001, George W. Bush avait attendu plus de six mois avant de nommer son propre conseiller scientifique.

« La vérité est que promouvoir la science n’est pas juste fournir des ressources —c’est promouvoir une recherche libre et ouverte. C’est assurer que les faits et les preuves ne soient jamais tordus ou obscurcis par la politique ou l’idéologie. C’est écouter ce que les scientifiques ont à dire, même lorsque ça dérange —spécialement lorsque ça dérange. Parce que le plus grand objectif de la science, c’est la quête de connaissance, de vérité et d’une meilleure compréhension du monde qui nous entoure. » (Barack Obama, 20 décembre 2008)

Pascal Lapointe

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