C’est fou, la différence que peut faire une image. Même dans un rapport aussi sérieux que celui du GIEC, ce groupe des Nations Unies sur les changements climatiques. Voilà que plusieurs auteurs du rapport 2007 regrettent d’avoir laissé tombé un graphique, au nom du sacro-saint consensus.

Appelé « braises brûlantes » (burning embers), ce graphique illustre les différents niveaux de risques associés à différents niveaux de réchauffement de la planète. Il a été sacrifié au profit de descriptions écrites de ces niveaux de risque. Les scientifiques qui étaient derrière se plaignent à présent que leur graphique ait été sacrifié parce qu’il était trop « parlant » au goût des pays les moins enclins à lutter contre les gaz à effet de serre.

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En réaction, ces auteurs ont choisi de publier le graphique en question dans un article sur la sous-estimation des risques dans le dernier rapport du GIEC, article paru à la fin de février dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). L’opposition, disent-ils, serait surtout venue des représentants des États-Unis, de la Chine, de la Russie et de l’Arabie Saoudite.

« C’est sûr que les mots sont moins puissants qu’un graphique en couleur », a ironisé Stephen H. Schneider, climatologue à l’Université Stanford, en entrevue au New York Times.

Comme les écrits du GIEC doivent être le fruit d’un consensus de toutes les nations participantes, ses méga-rapports (la 4e édition remonte à 2007) se font fréquemment reprocher d’aboutir à des conclusions trop conservatrices. Chaque mot, chaque chiffre, chaque recommandation, doit être soupesé, et faire l’objet de négociations complexes dans des processus administratifs lourds.

Au-delà de l’anecdote, la « résurrection » de ce graphique fournit un argument de plus à ceux qui ont affirmé depuis deux ans que les impacts du réchauffement seront plus visibles qu’on ne le pensait, à cause d’un effet d’entraînement —un effet en entraînant un autre, puis un autre, puis un autre— des récifs de corail jusqu’aux ouragans.

Dans la première version du graphique, en 2001, les risques d'impacts visibles sur la planète commençaient à apparaître avec une hausse de 2 à 3 degrés Celsius. Dans la version 2007, on estime qu’on en sentira les effets avec aussi peu que 1,8 degré de plus, par rapport aux niveaux de 1990. Ce seuil, si rien ne change dans la progression des gaz à effet de serre, devrait être dépassé vers 2050.

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