Chauffer une serre et produire des tomates douze mois par année, avec de l'énergie générée par… des déchets! À Saint-Étienne-des-Grès, en Mauricie, c'est maintenant réalité. Les tomates Savoura, dont toute la stratégie de marketing s'appuie sur le goût, croissent à un jet de pierre d'un site d'enfouissement.

L'image est surréaliste : un camion décharge sa benne, quelques mouettes survolent un compacteur à déchets aux roues de métal dentées et en arrière-plan, une immense serre de verre.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Dans les coulisses, le portrait est tout autre. Des équipements dernier cri servent à collecter les biogaz, les nettoyer et les brûler pour garder au chaud des plants de tomates pendant l'hiver.

Depuis l'automne dernier, la plus grande et la plus récente des Serres du St-Laurent est chauffée au gaz méthane (CH4) produit par les micro-organismes qui digèrent les déchets. Une première au Québec.

Le captage des biogaz dans les sites d'enfouissement se pratique depuis une trentaine d'années en Amérique du Nord. Au Québec, le captage est obligatoire depuis l'édiction, en 2005, du Règlement sur l’enfouissement et l’incinération de matières résiduelles.

Dans la plupart des dépotoirs, on se contente de brûler les biogaz au sommet d'une torchère, le transformant ainsi en gaz carbonique (CO2). Un mal pour un bien, puisque plus de la moitié de ces gaz de rebuts est composée de méthane, un gaz, dont l'effet de serre, est 21 fois plus puissant que le CO2.

En 1996, le Complexe environnemental de Saint-Michel, à Montréal, et le site d'enfouissement de BFI, à Lachenaie, devenaient les premiers au Québec à valoriser les biogaz en produisant de l'électricité.

En Mauricie, les Serres du St-Laurent font un usage direct du potentiel énergétique des biogaz. Ils sont tout simplement brûlés dans d'immenses chaudières, pour chauffer l'eau qui circule dans une serre grosse comme dix terrains de football.

Le captage et le nettoyage du gaz représentent, à eux seuls, un défi technologique. À la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie (RGMRM), le technicien en génie mécanique Dany Laforme gère de près la pression dans le réseau de puits qui ponctue les plus anciennes cellules de déchets du site.

Il s'agit d'aspirer la bonne quantité de gaz, pour éviter de nuire à l'action des bactéries. On doit ensuite déshumidifier le gaz, à l'aide d'un ingénieux système de condensation, puis en retirer le soufre dans de grandes cuves.

« C'est le meilleur exemple de développement durable, affirme Dany Laforme. Avec des déchets qui autrement pollueraient, on produit des tomates! »

La valorisation des biogaz au Québec accuse un sérieux retard, surtout si l'on se compare à l'Europe. En Allemagne et en Autriche, plusieurs villes et villages chauffent leurs édifices publics à l'aide d'usines de méthanisation de biomasse (maïs, résidus de bois et autres). Les biodigesteurs qui carburent au méthane du fumier sont légion dans les campagnes.

Les biodigesteurs agricoles sont encore rares au Québec. Contrairement à son équivalent ontarien, Hydro-Québec n'offre pas de prime pour ce type d'énergie verte.

Vu le faible prix de l'électricité au Québec, les seuls projets envisagés sont ceux qui incluent une utilisation sur place de l'énergie produite, comme celui des tomates Savoura.

Les Serres du St-Laurent vont plus loin. En brûlant les biogaz le jour, on récupère le CO2 issu de la combustion pour en nourrir les plants de tomates alors en pleine photosynthèse. On stocke l'excès de chaleur dans l'eau d'un réservoir d'un million de litres pour l'utiliser la nuit, quand le froid s'installe!

Je donne