Il y a cinq ans, le premier vol « spatial » réussi par une compagnie privée avait été qualifié de point tournant. Aujourd’hui, on continue de prendre pour acquis que les vols spatiaux privés représentent l’avenir du programme spatial —et pourtant, depuis cinq ans, qu’est-ce qui a changé?

C’était le 29 septembre 2004. Le SpaceShipOne s’envolait du désert de Mojave, en Californie, pour un bien modeste vol —quelques minutes là-haut, juste assez pour dépasser l’altitude « psychologique » des 100 km. Juste assez pour se mettre en lice pour la prime de 10 millions$ —le prix Ansari X— promis des années plus tôt à qui réussirait à lancer au-dessus des 100 km, deux fois de suite, un engin entièrement bâti par des fonds privés.

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Conçu par une firme privée, le SpaceShipOne avait coûté, en tout et pour tout, 25 millions$ —très loin des milliards d’une navette spatiale. Engin réutilisable, il symbolisait une certaine forme de « démocratisation » de l’espace. Et il a effectivement fouetté les ardeurs : depuis cinq ans, les design innovateurs ont été plus nombreux qu’au cours des décennies précédente :

- Le Skylon : engin réutilisable doté d’ailes qui utiliserait un échangeur d’air pour refroidir l’air chaud qui, à grande vitesse, constitue un gros problème lors de l'ascension. Mélangé à l’hydrogène liquide puis brûlé, il permettrait au Skylon d’être plus léger au décollage. C’est un projet de la firme privée britannique Reaction Engines.

- Avion hypersonique : si le Skylon représente un concept innovateur, on ne peut en dire autant de l’avion hypersonique qui, sous diverses formes, est sur les planches à dessin depuis 25 ans. Toutefois, sa progression rapide récente laisse croire que c’est lui qui pourrait atteindre le fil d’arrivée le premier. Le scramjet anglo-australien HyShot a dépassé Mach 7 en 2002 (7 fois la vitesse du son). Et le X-43A de la NASA (sur la photo) a atteint Mach 10 en 2004 (pendant 10 secondes), à ce jour record de vitesse pour un avion. Un autre test doit avoir lieu en décembre. Le Japon, la Russie, la Chine et l’Inde ont chacun leurs propres projets.

- La NASA n’est pas absente du jeu, puisqu’elle a lancé le projet Space Portal, qui vise à encourager des partenariats avec des entrepreneurs intéressés à « briser la barrière des vols moins coûteux ». Par exemple, des concepts améliorés de boucliers thermiques.

La clef, c’est d’être réutilisable, mais la navette n’a jamais réussi à l'être autant que promis. Or, si le programme Constellation de la NASA a pour but d’être le successeur de la navette, il constitue un retour au concept des fusées Apollo. Plusieurs ingénieurs y voient donc un retour en arrière, d’où l’intérêt pour les engins hypersoniques.

Sauf que, tout hypersoniques soient-ils, Mach10 n’est pas suffisant pour aller se mettre en orbite. Il faut plutôt viser Mach 25. Il leur faudrait donc une poussée supplémentaire : un réacteur d’appoint non-réutilisable, par exemple, comme pour la navette, ce qui serait un autre retour en arrière.

Arrivé à ce point, les ingénieurs réalisent qu'ils ne peuvent plus s'appuyer uniquement sur la recherche privée : pour mousser ce type d’expérience, il faut des fonds publics, entre autres ceux provenant de la recherche militaire. « De toute évidence, il y a des applications militaires pour des transports rapides », explique dans le New Scientist Derek Webber, de la firme Spaceport Associates. Autrement dit, les SpaceShipOne et autres joueurs ont encore besoin des gros joueurs pour les aider à passer le prochain cap...

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