Vous vous souvenez d’Ida, ce fossile « chaînon manquant » qui avait fait jusqu’à la Une de Google? Il a suffi de six mois pour qu’il soit déjà surclassé, relégué sur une autre branche de l’évolution —en d’autres termes, il ne serait pas notre ancêtre du tout.

Il faut dire que l’expression « chaînon manquant » (missing link) en avait fait tiquer plus d’un. Bien que les « découvreurs » d’Ida —un fossile de 47 millions d’années étonnamment bien conservé— aient été prudents dans leur article scientifique paru en mai dernier dans la revue électronique PLOS One, ils ont été beaucoup moins timides dans l’intense campagne de marketing, préparée des mois à l’avance (lire : Le marketing de 47 millions d’années).

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Pour qui lisait le livre de vulgarisation (The Link), écoutait le documentaire (The Link) ou visitait le site web (Revealing the Link), la cause était entendue : Ida était le chaînon manquant entre nous et un groupe de primates primitifs appelé adapides. « C’est le premier lien vers tous les humains », avait déclaré en conférence de presse le paléontologue norvégien Jorn Hurum. C’est jusqu’à l’usage un peu osé du nom « Darwin » dans la dénomination latine d’Ida qui avait surpris: Darwinius masillae.

Contraste frappant avec les déclarations plus récentes : « Ida est aussi loin qu’il est possible de l’être de la lignée des humains », à en croire le nouveau tableau, illustré dans l’image ci-haut. L’objet de cette nouvelle attention est un nouveau fossile, Afradapis, daté de 37 millions d’années, mis à jour en Égypte morceau par morceau, depuis neuf ans, et qui vient de faire l’objet —beaucoup plus discrètement— d’un article dans la revue Nature.

Ses dents et ses chevilles tendent à le placer sur une branche de l’évolution plus rapprochée d’Ida, concluent Erik Seiffert et ses collègues américains, qui ont comparé 360 traits anatomiques chez 117 espèces de primates, actuelles et disparues.

« Nous avons découvert un proche cousin d’Ida », mais comme celui-ci est de 10 millions d’années plus jeune, cela suggère que ni Ida ni ce nouveau fossile n’ont conduit vers les humains; ils sont probablement à caser sur la branche qui a conduit aux lémuriens.

Les défenseurs d’Ida, toutefois, s’en tiennent à leur théorie. En attendant la suite des travaux de Seiffert, qui dit avoir, depuis, déterré des fragments de plusieurs autres Afradapis.

Pour l’instant, pas de livre, ni de documentaire, ni de logo Google modifié à l’horizon.

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