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Les conséquences sur la santé du pire empoisonnement de masse de l’histoire ne sont pas près d’être connues mais au moins, après huit années de controverses, on a peut-être identifié la cause. Mince consolation pour les familles.

Au Bangladesh, les estimations les plus pessimistes parlent de 35 millions de personnes qui ont bu de l’eau contaminée à l’arsenic au cours des années 1970 et 1980, après un gigantesque travail de creusage de milliers de puits. Un acte pourtant bien intentionné, financé par l’aide internationale, qui visait à faciliter l’accès à l’eau potable, a en effet eu pour conséquence d’ouvrir un accès à l’eau contaminée à l’arsenic.

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Ce n’est qu’au début des années 1990 que le haut taux d’arsenic dans ces puits a été soupçonné, après une explosion de maladies de peau et de cancers.

Le désastre est né d’une évaluation erronée des géologues britanniques qui, il y a 30 ans, avaient jugé sécuritaires les couches géologiques où devaient être creusés ces milliers de nouveaux puits.

Sauf qu’il appert que les géologues n’avaient pas entièrement tort. Les couches géologiques étaient sécuritaires: c’étaient les marais au-dessus qui ne l’étaient pas. Dans le sud du Bangladesh, région périodiquement inondée, les habitants creusent des trous afin d’utiliser la terre pour surélever leurs maisons —et ainsi, se protéger des inondations. Sauf que ces milliers de trous deviennent alors autant de marais d’eau stagnante.

La matière organique qui se dépose au fond descend progressivement sous terre (très progressivement: on parle d’un délai de 50 ans), où elle devient un garde-manger inespéré pour les microbes, ce qui libère beaucoup plus d’arsenic que la normale.

La région de l’Himalaya contenait déjà de l’arsenic à l’état naturel. Mais la présence humaine a créé un bouillon de culture favorable à la prolifération de l’arsenic, et celui-ci n’a plus eu qu’à passer dans les nouveaux puits.

Présenté ainsi, ça semble simple, mais il a tout de même fallu sept années à une équipe du Massachusetts Institute of Technology dirigée par Rebecca Neumann, pour identifier le problème, et reconstituer le processus. Ses résultats sont parus en novembre dans Nature Geoscience.

L’ironie est que tant que les Bangladais buvaient l’eau de surface, pourtant davantage exposée aux contaminants, ils étaient en sûreté —du moins, par rapport à l’arsenic.

La bonne nouvelle est qu’on a peut-être à présent une solution au problème: creuser des puits le plus loin possible de ces bassins artificiels créés au fil des décennies par les Bangladais, ou bien creuser les puits à plus de 30 mètres, une profondeur apparemment pas encore atteinte par la matière organique dont se régalent les bactéries.

Quelque 2000 usines de décontamination ont été construites dans les puits du Bangladesh au tournant des années 2000; plusieurs travaillent encore à éradiquer le problème, ce qui signifie qu’une partie de la population continue de consommer de l’eau contaminée. Personne n’est capable d’évaluer l’impact sur la santé de ceux qui sont nés dans ces régions au cours des années 1970, 1980 et 1990, et des enfants qu'ils auront eux-mêmes.

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