Le DSM, la « bible » de la psychiatrie, fait peau neuve et sa révision provoque des pleurs et des grincements de dents dans le milieu. Vous l’ignoriez ? Pas étonnant. Jusqu’à la mise en ligne d’un article et d’un éditorial sur le sujet dans le New Scientist en décembre dernier, le débat se limitait aux publications spécialisées. Depuis cette parution, la sortie de la nouvelle édition du DSM a été reportée à mai 2013.

DSM désigne le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, publié par l’Association de psychiatrie américaine (APA). C’est la liste des critères et symptômes sur lesquels se fondent les professionnels en santé mentale pour poser un diagnostic. Il est reconnu comme un standard par la plupart des associations en psychiatrie et psychologie du monde. Un crêpage de chignon scientifique autour de l’ouvrage de référence mondial en psychiatrie a donc de quoi titiller la fibre critique de l’éditorialiste du New Scientist .

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La 4e édition du manuel, le DSM-IV, date de 1994. Le consensus règne quant à son besoin de mise à jour. Ce qui cloche, c’est l’orientation que donne l’APA à la cinquième édition selon deux psychiatres retraités et responsables de la version précédente, Robert Spitzer et Allen Frances. Ils mettent en doute le caractère scientifique de la nouvelle classification des critères diagnostiques. Selon leurs propos rapportés dans le New Scientist, ils évoquent une possible « médicalisation de la normalité » qui pourrait avoir des « conséquences désastreuses » comme la stigmatisation et l’internement à outrance. Le débat s’est envenimé par des allégations de conflit d’intérêts de part et d’autre, ce qui lui a valu d’être qualifié de « guerre civile de la psychiatrie » par le magazine britannique.

Selon le journaliste Peter Aldhous, le DSM a fait son temps dans sa gigantesque version papier de plus de 1000 pages. À l’ère d’Internet, il n’est plus pertinent de travailler à une édition qui demeurera figée pendant les 15 prochaines années. À son avis, toute cette agitation aurait pu être évitée par la révision continue en ligne. Ce procédé permettrait de réunir des spécialistes d’un domaine au besoin seulement. Les modifications suggérées seraient ensuite soumises à la critique et aux commentaires, sur un site réservé à cet effet. Une fois le consensus obtenu, les nouveaux critères diagnostiques seraient intégrés à la version en ligne du DSM.

Cette migration vers l’Internet s’enclenche déjà avec la nouvelle édition, selon l’Association des psychiatres. Un site web présente d’ailleurs les révisions proposées pour le DSM-V. Peter Aldhous déplore que l’association n’ait pas plutôt soumis la version actuelle du DSM à la révision web. À son avis, plus de 40 millions $ de ventes en neuf ans avec le DSM-IV, ses appendices, guides et autres, ne sont pas étrangers à cette décision. Consciente de l’inévitable virage Internet, l’APA pourrait avoir été tentée de presser le citron jusqu’à la dernière goutte.

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