Une des craintes des climatologues a été renforcée par une étude parue vendredi dans Science : elle confirme l’existence de grosses éruptions de méthane au large de la Sibérie, lorsque la température augmente. Mais s’agit-il d’une catastrophe ou ces éruptions sont-elles en cours depuis longtemps?

À lire certains titres des journaux, c’est une catastrophe. À lire les déclarations des scientifiques, ça pourrait être une partie du cycle normal des saisons.

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Il faut rappeler que le méthane est un gaz à effet de serre qualifié plus dangereux que le CO2, parce qu’il reste plus longtemps dans l’atmosphère, et contribue ainsi à ce que notre planète emprisonne plus longtemps la chaleur. Tous les êtres vivants en produisent —dont les bactéries qui, par milliards dans chaque poignée de sol, libèrent leur méthane dans l’air à mesure que ce sol dégèle. Or, si de larges portions de sols canadiens ou russes gelés depuis des dizaines de milliers d’années, dégèlent rapidement, il pourrait en résulter des émissions catastrophiques de méthane, qui accéléreront le réchauffement.

Mais l’étude dont il est question ici —et dont des résultats préliminaires étaient connus depuis l’automne 2008— réalisée grâce à des navires américains et russes qui ont observé le fond des eaux au large de la Sibérie de 2003 à 2007, ne permet pas de conclure à la catastrophe, tempère un autre spécialiste du méthane, Ed Dlugokencky —tout simplement parce qu’il n’y a pas assez longtemps que le Grand Nord est systématiquement observé :

Est-ce que ces émissions sont nouvelles, entraînées par la hausse des températures au fond de l’eau, ou sont-elles passées inaperçues depuis des décennies? Sur la base de nos observations de l’atmosphère, je soupçonne qu’elles étaient déjà là.

Le climatologue et blogueur David Archer va plus loin, offrant la métaphore d’une Toyota :

Imaginez que vous êtes dans une Toyota, sur l’autoroute, à 60 milles à l’heure (100 km/h), approchant d’une série de voitures arrêtées, et vous découvrez que le frein est brisé. C’est le CO2. Et puis, vous découvrez que l’accélérateur est bloqué, de sorte qu’au moment où vous frapperez le camion en face de vous, vous filerez à 90 milles à l’heure plutôt que 60. C’est le méthane. Est-ce à présent le moment de vous inquiéter? Non, vous devriez déjà vous être inquiété à cause du frein brisé.

Les médias ont été critiqués en fin de semaine pour avoir sauté sur l’explication la plus inquiétante (« le méthane fait vendre des journaux », poursuit Archer) mais ils n’ont fait que s’inspirer des relationnistes de la National Science Foundation (qui a contribué au financement de cette étude) dont le communiqué était intitulé : « Les émissions de méthane de la calotte arctique peuvent être plus grandes et plus rapides qu’anticipé ».

Ce n’est pas la première alerte du genre mais ces alertes-au-méthane sont en effet très récentes, témoignant du peu de données dont on dispose sur l’Arctique. Par exemple, ce n’est qu’au printemps 2009 qu’a été publiée la première étude solide du genre, portant sur de grosses éruptions de méthane au fond de l’océan Arctique —c’était, plus précisément, au large de la Norvège.

La bonne nouvelle est que ces 7 à 11 millions de tonnes de méthane par année au large de la Sibérie ne suggèrent pas de hausse catastrophique pendant l’hiver 2008. La mauvaise nouvelle, c’est que même si ces millions de tonnes de méthane représentent une quantité négligeable par rapport à tout le CO2 émis par l’homme autour du monde, les 2 parties par million que cela représente au-dessus de l’est de la Sibérie constituent trois fois la moyenne mondiale. Autrement dit, il y a des gens là-bas qui vont commencer à en vivre les effets avant le reste du monde...

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