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Depuis 2006, plus d’un million de chauves-souris sont mystérieusement mortes en Amérique du Nord, sur un territoire s’étendant de la Virginie au Québec. Les indices sont partout les mêmes. Le tueur a peut-être été identifié. Mais la façon dont il opère demeure obscure.

Les amateurs connaissent l’histoire sous le nom de syndrome du museau blanc : un champignon identifié en janvier sous le nom de Geomyces destructans. Il est le suspect numéro un, parce qu’on le retrouve dans toutes les cavernes où des chauves-souris mortes jonchent le sol, leurs museaux, leurs oreilles et leurs ailes envahis en partie par ce champignon blanc.

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Mais il n’est que suspect, parce que subsiste la possibilité qu’il ne soit pas le tueur, mais juste un micro-organisme « opportuniste », c’est-à-dire qui profiterait de la porte qui lui serait ouverte par le vrai coupable.

Chose certaine, une fois que ce champignon blanc apparaît dans une caverne, 80 à 100% des chauves-souris qui y hibernaient risquent d’être mortes le printemps suivant (la maladie ne présente aucun risque pour les humains).

Une théorie veut que le champignon les tue indirectement, en perturbant leur hibernation. Normalement, une chauve-souris se réveille, en hiver, tous les 15 à 30 jours; elle en profite pour boire... et s’accoupler. Celles porteuses du syndrome du museau blanc toutefois, se réveillent tous les 3 à 4 jours. Leurs réserves de graisse s’amenuisent donc beaucoup plus vite, et elles se retrouvent au printemps dangereusement affaiblies.

Et la maladie progresse très vite. Le premier cas officiellement observé l’a été en février 2006, dans une caverne située près d’Albany, dans l’État de New York. Rapidement, de nombreux cas de chauves-souris réveillées hâtivement et émaciées ont été signalés. Et dans les cavernes, les sols étaient recouverts de cadavres.

Au début de cette année, on a signalé des cas pour la première fois au Tennessee, donc plus à l’ouest du corridor Virginie-Vermont habituel, puis au Missouri, encore plus à l’ouest, ainsi qu’en Ontario, en mars, et au Québec : le 13 avril, le ministère québécois des Ressources naturelles et de la Faune confirmait la détection du syndrome du museau blanc en Outaouais. Des chauves-souris au comportement anormal ont également été signalées ce printemps en Abitibi-Témiscamingue.

Bizarrement, Geomyces destructans est connu en Europe, mais pas inquiétant. On a signalé des cas de « museaux blanchis » depuis les années 1980, sans jamais y associer de telles hécatombes. Une étude française parue en 2009 dans Emerging Infectious Diseases a confirmé qu’il s’agissait bien du même champignon. Ce qui suggère un scénario du pire : le champignon commencerait à peine à s’implanter en Europe, et certains pays connaîtraient d’ici peu ce que l’est de l’Amérique du Nord connaît depuis 2006.

Toutefois, il y a aussi un scénario optimiste : le champignon nord-américain est en fait arrivé d’Europe, où les chauves-souris ont développé une résistance, que leurs cousins nord-américains développeront donc eux aussi.

Dernière question : comment le champignon se propage-t-il aussi vite? Celle-là est facile : la vie en solitaire n’est pas vraiment la caractéristique première de la plupart des chauves-souris. Chaque automne, elles sont des centaines de milliers à se rassembler à l’extérieur de leurs lieux d’hibernation pour se nourrir et s’accoupler : le moment idéal pour un microbe opportuniste...

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