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À des milliers de kilomètres de la guerre en Afghanistan, une armée de chimpanzés ougandais prépare intentionnellement l'invasion du territoire ennemi pour s'approprier les ressources naturelles. Un comportement étrangement semblable à celui des humains. La guerre serait-elle programmée dans nos gènes?

Apparemment oui, si l'on se fie aux récentes découvertes. La propension guerrière des chimpanzés est démontrée pour la première fois dans l'édition de juin 2010 de la revue Current Biology. Pour arriver à ses conclusions, l'équipe du Dr John Mitani, de l'Université du Michigan, a observé pendant 10 ans le comportement des anthropoïdes du parc national de Kibale, en Ouganda.

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L'objectif des primates ressort clairement : conquérir d'autres territoires, note l'étude réalisée entre 1999 et 2008. Plusieurs spécialistes avaient déjà observé le comportement belliqueux des chimpanzés. Les mâles font alors beaucoup de bruit et se battent entre eux. Certains en meurent. Mais jamais n'avait-on aussi clairement établi chez eux une stratégie aussi complexe et intentionnelle, souligne John Mitani. « Tous les 10 ou 14 jours, ils organisent une bataille en territoire ennemi. Une vingtaine de mâles s'avancent à la limite de leur territoire. Ils marchent silencieusement à la file avant de s'enfoncer sur le terrain adverse. » C’est ainsi que les chimpanzés Ngogo ont avancé en direction nord-est et y ont annexé 22 % du territoire, explique le chercheur.

Les singes réagissent de deux manières, d'après ses observations. Soit ils se retirent en face d'un groupe plus nombreux qu'eux ou ils attaquent l'imprudent qui croise leur chemin. Celui-ci sera alors maintenu au sol avant d'être mordu et battu à mort. Les attaquants laissent généralement la vie sauve à la femelle, mais les bébés seront dévorés, expliquent le spécialiste.

La guerre comme instrument de survie

Le Modus operandi vise essentiellement l'appropriation et le contrôle d'arbres fruitiers supplémentaires, peut-on y lire dans la recherche. Les mâles assurent ainsi aux femelles l'accès à plus de nourritures, donc, favorisent leur fertilité. Celles-ci peuvent ensuite donner naissance à une progéniture plus résistante, le groupe se multiplie plus rapidement et améliore ses chances de survie

« Dans ce contexte, la guerre devient une forme d'adaptation, un comportement hérité de la sélection naturelle et programmé dans les circuits neuronaux des singes pour assurer la pérennité de l'espèce. »

Cette recherche fait aussi ressortir deux aspects particulièrement intéressants. D’une part, les comportements agressifs des singes et ceux de l'humain remontent à un ancêtre commun, ayant vécu il y a environ 5 millions d'années. Un élément important pour comprendre la velléité humaine de s'attaquer à ses semblables, selon les spécialistes.

D’autre part, dans leurs guérillas, les chimpanzés ont agi en coopération pour obtenir la victoire. Un réflexe surgit de l'évolution pour favoriser la survie du groupe avant celle des membres, rapporte John Mitani. Cette thèse contredit la compréhension généralement admise de la sélection naturelle, qui privilégie l'individu dans la reproduction de l'espèce au lieu du groupe.

Samuel Bowles, un économiste à la Santa Fe Institute, qui a développé un modèle théorique de sélection des groupes, se range derrière cet avis. « Cette théorie explique fortement le comportement humain, mais n'est pas encore bien comprise concernant celui des chimpanzés. »

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