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Il était l’un de ces rares climatologues à avoir réussi une double carrière : de chercheur et de communicateur. Stephen Schneider, décédé le mois dernier, a toujours tenté —et réussi, à sa façon— de jumeler les froides données des sciences du climat avec la nécessité d’agir qu’elles peuvent dissimuler.

Stephen Schneider était virtuellement inconnu des médias francophones, et c’est pourquoi son décès, le 19 juillet, est pratiquement passé inaperçu ici. Mais sur la planète anglophone, il était à la climatologie ce qu’Hubert Reeves est, chez nous, à l’astronomie.

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Il fut, de plus, un chercheur réputé chez ses pairs, à qui on doit d’abord, il y a plus de 35 ans, des recherches sur « l’hiver nucléaire » —c’est-à-dire l’impact qu’aurait sur le climat l’émission de milliards de tonnes de particules dans l’atmosphère à la suite d’une guerre atomique. Il ne fut pas l’inventeur du concept, mais alors que cette idée d’un « hiver nucléaire » gagnait en popularité dans les mouvements pacifistes, il contribua à lui donner des assises scientifiques solides.

Mais c’est pour le pont jeté entre la climatologie et la société qu’on se souviendra de ce professeur de l’Université Stanford. Non content d’étudier l’impact physique du réchauffement planétaire, il s’est penché aussi sur ses implications politiques et est devenu dès les années 1980 un des plus ardents défenseurs d’une réduction des gaz à effet de serre. Résumé par la professeure de Harvard et spécialiste des médias Cristine Russell :

Steve était, à maints égards, un modèle de ce que le scientifique moderne, travaillant dans un secteur controversé, doit être : une personne qui travaille étroitement avec le petit réseau des chercheurs mais qui est également capable de parler des implications de sa science et de la nécessité d’agir. Sa large connaissance de la climatologie et sa maîtrise de la langue anglaise lui ont permis de traverser facilement entre « les deux cultures ».

Lui-même s’était interrogé sur la façon dont fonctionnent les médias, ce qui l’avait peut-être aidé à établir un meilleur contact avec les journalistes. Sur sa page Mediarology —un site web entretenu de 2002 à 2005— il écrivait :

Un climatologue qui fait face à un journaliste enfermé dans son réflexe « il faut les deux côtés de la médaille », risque de voir ses propos enfermés dans l’une ou l’autre de ces boîtes : « nous sommes inquiets » ou « tout ira bien ». Et parfois, ces deux « boîtes » ne sont pas représentatives; un large consensus peut être « équilibré » contre les vues opposées d’une poignée d’extrémistes, mais pour le profane, chacune des deux positions semblera tout autant crédible. Tout scientifique qui s’aventure dans l’arène politique et croit naïvement que des déclarations « équilibrées » sont ce que recherchent (ou entendent) les deux camps, a intérêt à apprendre rapidement comment le système fonctionne.

Selon le Washington Post, ses prises de position passionnées dans les médias lui ont valu, au plus fort du climategate, des centaines de courriels haineux par jour, et jusqu’à des menaces de mort de groupes extrémistes.

Deux semaines avant sa mort, il faisait à nouveau parler de lui, avec la parution d’une étude qui tentait de répondre à ceux qui affirment qu’il subsiste une « incertitude » sur les causes humaines du réchauffement climatique. Catégorisant les scientifiques du climat —c’est-à-dire eux qui publient sur le sujet, et non les économistes ou les géologues qui donnent leur opinion dans les pages éditoriales— en « convaincus » ou « non convaincus », l’étude en arrivait à la conclusion que de 97 à 98% de ces scientifiques « actifs » étaient « convaincus » que l’humain est largement responsable du réchauffement.

Stephen H. Schneider, qui avait 65 ans, est l’auteur de plus de 400 articles sur l’impact du réchauffement, par exemple sur les températures océaniques et les ouragans, de même que sur les dégâts infligés à la couche d’ozone. Il a eu l’oreille d’à peu près tous les présidents des États-Unis depuis Richard Nixon. Enfin, on lui doit quelques livres destinés au grand public, dont son tout dernier, en novembre dernier, Science as a Contact Sport: Inside the Battle to Save Earth’s Climate .

L’un d’eux, The Patient from Hell , paru en 2005, était un exposé de sa lutte des quatre années précédentes contre un cancer alors entré en rémission.

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