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L’interruption des tests d’un médicament, parce qu’il semble faire plus de mal que de bien, est chose fréquente. Mais le médicament contre l’Alzheimer dont les tests ont été interrompus la semaine dernière, a donné des munitions à ceux pour qui c’est toute la théorie dominante sur les causes de l’Alzheimer qui fait plus de mal que de bien.

« [ Le médicament ] n’a pas ralenti la progression de la maladie et a été associé à une aggravation des indicateurs cliniques de la cognition et de la capacité à accomplir des tâches quotidiennes. » Des termes étonnamment durs, quand on sait qu’ils proviennent du communiqué de la compagnie pharmaceutique Eli Lilly elle-même!

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Si c’est la théorie qui est fausse, cela deviendrait beaucoup plus qu’un simple débat d’experts. Cette théorie veut que l’Alzheimer soit causé par l’accumulation de « plaques » qui rongent peu à peu les cellules du cerveau. Ces plaques sont faites d’une protéine appelée amyloïde et les médicaments testés depuis les années 1990 visent soit à détruire ces plaques, soit à freiner leur croissance.

Le problème, disent les sceptiques de cette théorie, c’est que ça va bien au-delà de la recherche d’un médicament : les chercheurs consacrent aussi beaucoup d’efforts, depuis deux décennies, au dépistage de l’Alzheimer à un stade de plus en plus précoce et pour cela, traquent des indices de l’apparition de ces plaques. Or, qu’arriverait-il si ces plaques n’étaient pas la cause de la maladie, mais juste une conséquence?

Eh bien dans un des scénarios, les médicaments testés pourraient ne pas seulement échouer, ils pourraient empirer la situation, écrivait l’an dernier le journaliste médical Robert Langreth, à propos de cette classe de médicaments dont fait partie celui qui, aujourd’hui, a échoué :

Le neurologue Jie Shen, qui croit que l’amyloïde n’est qu’un complice, pointe comme cause de la maladie un dysfonctionnement de deux protéines appelées préséniline. Si sa théorie est correcte, une classe de médicaments anti-amyloïdes appelés inhibiteurs de gamma secrétase, pourrait empirer la maladie.

Mais il y a aussi des hypothèses intermédiaires. Le médicament d’Ely Lilly pourrait être fautif : s’il n’a pas « frappé » la molécule qu’il était censé cibler, il a pu devenir un agent toxique. On ne le saura pas tant qu’Ely Lilly n’aura pas publié l’ensemble des données de ses essais cliniques, ce qui pourrait prendre plus de six mois.

Enfin, comme quoi notre ignorance de l’Alzheimer est encore plus profonde que les chercheurs ne veulent l’admettre, le neurologue Sam Gandy du Centre de recherche sur l’Alzheimer à l’École de médecine Mont-Sinaï, introduit un niveau supplémentaire de complexité :

Le terme amyloïde est habituellement employé pour désigner les plaques [ que l'on observe dans les autopsies de patients ]. Mais des données récentes suggèrent qu’une autre forme de peptide amyloïde est plus toxique que les plaques. Il y a même des données qui suggèrent que les plaques peuvent agir comme protectrices. Donc, il y a encore beaucoup à apprendre.

Dans tous les cas, il y a une autre raison pour laquelle l’échec de ce médicament crée plus d’émoi que bien d’autres échecs similaires : une estimation veut qu’on se dirige vers une armée de 115 millions de personnes souffrant de l’Alzheimer en 2050.

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