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Les métaux toxiques détectés en quantité élevée dans la rivière Athabasca, en Alberta? Alors que tous les médias se sont empressés de les associer à l’industrie des sables bitumineux, la réponse des gouvernements est à l’opposé : ces métaux seraient là en raison de processus tout à fait naturels.

L’étude parue le 30 août dans les Proceedings of the National Academy of Sciences semblait pourtant difficile à attaquer : du plomb, du mercure, du zinc, du cadmium et neuf autres métaux, bref un cocktail hautement toxique, détectés à des taux anormalement élevés dans les cours d’eau, et comme par hasard dans les cours d’eau qui traversent les régions où sont exploités les sables bitumineux. Plus incriminant encore, on trouve ces métaux en plus grande quantité en aval des mines (plus bas) qu’en amont (plus haut).

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Mais moins de 24 heures plus tard, la réplique est tombée : ces polluants sont naturels, selon le groupe industrie-gouvernement en charge du suivi de la qualité de l’eau, le RAMP (Regional Aquatics Monitoring Program), créé en 1997.

Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à ce dialogue de sourds. C’est même la raison pour laquelle les écologistes Erin Kelly et David Schindler, de l’Université de l’Alberta, avaient entrepris cette recherche : il y a trois ans, des groupes amérindiens vivant en aval des mines ont associé les hauts taux de cancer chez eux aux taux élevés de ces métaux toxiques dans l’environnement —et dans les poissons. Le tout étant causé, accusaient-ils, par l’extraction de pétrole des sables bitumineux de l’Athabasca. À cette époque, le même groupe industrie-gouvernement avait conclu que la présence de ces métaux, tout inquiétante qu’elle soit, était causée par un phénomène parfaitement naturel.

« Nous trouvons bel et bien des niveaux élevés de ces choses dans la région étudiée », réexplique aujourd’hui Fred Kuzmic, du RAMP. Et les niveaux de sept des 13 métaux dépassent effectivement les normes de sécurité pour la vie marine établies par les gouvernements du Canada et de l’Alberta. Mais « ils sont généralement associés à des composés naturels. »

Ce n’est pas l’avis des chercheurs de l’Université de l’Alberta qui ouvrent la première phrase de leur résumé par une conclusion on ne peut plus claire :

Nous démontrons que l’industrie des sables bitumineux émet par l’air et par l’eau, dans la rivière Athabasca et ses affluents, les 13 éléments considérés « polluants prioritaires » par le Clean Water Act de l’Agence américaine de protection de l’environnement.

L’équipe a prélevé en 2008 des échantillons d’eau en aval et en amont, à proximité ou non des mines afin d’avoir une base de comparaison. Elle a également analysé de la neige dans les montagnes, pour tenir compte des polluants transportés par l’air. « Le gros de ce débat s’est fait sans la science », reproche aujourd’hui David Schindler, dans une entrevue accordée à Nature avant que ne provienne la réplique des scientifiques gouvernementaux. « L’hypothèse que ces [ polluants ] soient « tous naturels » est inadéquate, pour ne pas dire plus ».

Dans le passé, Schindler s’est fait connaître comme un critique des méthodes d’analyses du RAMP, le groupe industrie-gouvernement. Il lui reproche notamment une absence de contrôles de qualité, et recommande que le suivi de la qualité de l’eau soit plutôt sous la responsabilité du ministère de l’Environnement.

Qui que ce soit qui puisse trancher ce débat, il demeurera qu’on n’en sait pas plus, aujourd’hui, sur l’impact que peuvent avoir ces concentrations de métaux sur la santé humaine. L’association avec le cancer est établie depuis longtemps, mais elle dépend de tant de facteurs —la quantité de poissons ingérés, pendant combien de temps, leur provenance— que l’étude de cette semaine ne permettra pas de mieux mesurer les risques. En plus de ne pas convaincre ceux qui ne veulent pas être convaincus...

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