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Jadis, dans les années 1990, des cancéreux ont commencé à poursuivre des compagnies de tabac. Et, à la surprise générale, ils ont gagné. Des villages déplacés par le réchauffement climatique pourraient-ils poursuivre des compagnies pétrolières?

Ceux qui y croient ont appris à épeler Kivalina : ce village de l’Alaska est, avec ses 400 habitants, sur la ligne de front. En février 2008, il est devenu le premier village à déposer une poursuite en justice contre 24 compagnies, incluant ExxonMobil, BP, Chevron et Shell. (Kivalina vs ExxonMobil).

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Jusqu’où se rendra cette poursuite, nul, dans l’univers juridique, n’est en mesure de le prédire. Mais elle avait été précédée par au moins deux recours collectifs de plus grande ampleur : en Louisiane, des victimes de l’ouragan Katrina, en 2005, ont déposé une poursuite contre des géants du pétrole et de l’assurance, à qui ils demandent compensation. Et huit États américains, de même que la ville de New York, poursuivent conjointement, depuis 2003, cinq des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre des États-Unis, dont l’American Electric Power (AEP), afin d’exiger que leurs centrales au charbon se dotent de normes anti-pollution plus sévères (Connecticut vs. AEP).

Les habitants de Kivalina allèguent que le réchauffement de la planète a fait fondre les murs de glace qui protégeaient leur village des fortes vagues lors des tempêtes hivernales, en plus d’accélérer l’érosion des rives. Ils demandent des compensations pour l’inévitable déménagement, qu’ils évaluent à 400 millions$.

Quant aux huit États américains, ils invoquent la notion de « nuisance publique » : l’équivalent d’un voisin qui vous poursuivrait parce que vous brûlez dans votre cour des déchets qui entraînent des fumées toxiques chez lui.

Une victoire de l’un ou de l’autre aurait des répercussions internationales, de la même façon que les premières victoires en cour contre les compagnies de tabac ont déclenché une série d’autres poursuites, en plus d’obliger les compagnies à dévoiler des montagnes de documents sur des décennies de pratiques commerciales, que les historiens continuent d’éplucher aujourd’hui.

Mais établir un lien de responsabilité entre une compagnie pétrolière et les impacts du réchauffement planétaire représente toutefois un gros obstacle, a écrit un des experts de ces cas, Michael Gerrard, de l’Université Columbia à New York. « Aucun impact précis ne peut être attribué à un pollueur précis ». Dans l’affaire Kivalina, la prétention est que certaines compagnies « ont conspiré pour créer un faux débat scientifique sur le réchauffement climatique, dans le but de tromper le public ».

Pour l’instant, on n’en est même pas encore à la poursuite proprement dite, avec audition de témoins et étalage de preuves : il reste à trouver une cour qui accepte d’entendre la cause. Dans le cas des Louisianais, c’est à présent au tour de la cour suprême de dire si la cause peut ou non être entendue devant un tribunal. De même, dans le cas de Connecticut vs AEP, en septembre 2009, la deuxième cour d’appel avait accepté que la cause soit entendue, mais les compagnies en ont appelé à la Cour suprême. Si celle-ci donne raison aux compagnies, la poursuite s’arrête avant même d’avoir commencé. Si la cour suprême leur dit non, alors la cause commencera son lent cheminement à travers les tribunaux inférieurs.

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