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Le prix mondial des aliments a atteint en janvier un record... pour le deuxième mois d’affilée. Est-ce la goutte d’eau qui a fait déborder le vase en Tunisie et en Egypte? Et quel pays sera le suivant?

Le lien entre faim et révolte a été proposé plusieurs fois depuis deux semaines, et l’annonce des prix de janvier, publiée par la FAO jeudi dernier (Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation), n’a fait que confirmer : les événements climatiques extrêmes de 2010 ont eu un impact direct sur le prix du blé.

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Les inondations catastrophiques au Pakistan et les canicules en Russie ont réduit la production, et conduit notamment la Russie à entreposer davantage, donc à réduire ses exportations. Or, l’Egypte importait 60% de son blé. Le tout continuera d’avoir un impact pendant des mois, juge un économiste de la FAO, Abdolreza Abbassian.

Les experts du monde arabe se gardent bien de suggérer qu’il s’agit du seul facteur pour expliquer les révoltes de la rue. Après tout, la hausse du prix des aliments frappe aussi des pays européens comme l’Espagne, qui n’ont pourtant pas vu leurs gouvernements être menacés d’un renversement. En Afrique du Nord, ainsi qu’au Yemen et en Jordanie, l’insatisfaction latente à l’égard de gouvernements perçus comme corrompus, et un chômage endémique chez une masse de jeunes, sont des causes bien plus profondes —auxquelles s’ajoute, veut-on croire en Occident, l’impact de Facebook.

Mais pourquoi cette révolte survient-elle maintenant plutôt que l’an dernier ou l’an prochain? Dans un communiqué publié vendredi, le Programme alimentaire mondial (PAM) pointe la hausse du prix des aliments comme un facteur-clef :

Dans plusieurs des protestations, les manifestants ont brandi des miches de pain ou des affiches exprimant leur colère à l’égard du prix élevé des aliments de base, comme les lentilles.

En entrevue avec le magazine The American Prospect, une porte-parole du PAM, Rene McGuffin, rappelle que la situation en Egypte a toujours été précaire, et qu’il suffisait de peu pour la faire basculer :

Même dans des périodes de stabilité, beaucoup d’Égyptiens luttent pour avoir accès à une alimentation équilibrée. C’est un pays à faible revenu, en état de déficit alimentaire. Vingt pour cent, soit environ 14 millions de personnes, vivent de moins d’un dollar par jour. [...] L’Égypte, comme d’autres pays, a aussi une histoire d’émeutes de la faim. En 2008, alors que les prix des aliments étaient très élevés, le gouvernement en était inquiet au point d’avoir ordonné à l’armée de faire cuire et distribuer du pain subventionné. Il y avait eu un autre incident en 1977, quand ils avaient songé à interrompre les subventions au pain et à d’autres aliments.

Mais si le pain n’était qu’un avant-goût d’autres crises? Au Forum économique mondial de Davos le mois dernier, l’économiste Nouriel Roubini prévenait que tous les pays au bord de l’instabilité avaient de quoi s’inquiéter de la hausse probable du prix du blé, mais aussi d’autres produits de base : le sucre, le café et... le pétrole.

De fait, si les événements climatiques de 2010 devaient se reproduire en 2011 dans d’autres pays producteurs de blé, les citoyens les plus pauvres de pays qui importent ce blé, comme l’Egypte ou la Jordanie, seraient encore les premiers à en souffrir. Dès le mois dernier, le directeur politique d’Oxfam Amérique, Gawain Kripke, exprimait cette inquiétude :

La hausse record des prix des aliments nous rappelle tragiquement que tant que nous n’aurons pas agi sur les causes profondes de la faim et des changements climatiques, nous nous retrouverons toujours au bord du désastre.

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