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La compréhension de la supraconductivité ressemble un peu à la quête du Graal : beaucoup de passionnés autour d’un grand mystère. Un siècle après sa découverte, il semblerait que l’une de ses énigmes soit sur le point d’être élucidée par une équipe canadienne.

« Magnétisme et supraconductivité semblent intimement liés. C’est ce que l’on observe lorsqu’on dope un matériau supraconducteur à haute température. La physique de ces matériaux change dramatiquement », explique Nicolas Doiron-Leyraud, chercheur et professeur associé au département de physique de l’Université de Sherbrooke.

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Les supraconducteurs à haute température – des matériaux artificiels à base de cuivre ou de fer — présentent une formidable propriété : une résistance électrique, qu’on appelle résistivité, nulle à basse température. Basse pour nous, mais que les physiciens des matériaux nomment « haute température », car elle peut apparaître quelques 100 degrés au-dessus du zéro absolu (ou -173 °C). Ces matériaux sont aussi des aimants parfaits. Ces deux propriétés sont extrêmement prometteuses pour diverses applications technologiques. À condition de toujours conserver les matériaux au froid.

Des matériaux en changement

Ainsi, les supraconducteurs à haute température changent d’état lorsqu’on les dope. Ils passent, par exemple, d’un état très résistif à un état de supraconductivité puis se conduisent comme des métaux presque normaux.

La phase de supraconductivité — où la résistivité est nulle – est accompagnée, lorsque la température s’élève, d’une phase étrange nommée « pseudogap ». C’est à cet instant que les propriétés de ces matériaux seraient en changement.

Pour mieux comprendre cet état bizarre, les chercheurs ont exercé sur les matériaux de très forts champs magnétiques, excédant un million de fois le champ magnétique terrestre.

« Lorsqu’on supprime la supraconductivité en appliquant ce fort champ magnétique sur le supraconducteur, on remarque la présence d’oscillations quantiques », explique le chercheur. La fréquence de ces oscillations indique la présence d’une signature magnétique au sein du matériau.

Alors que cet ordre magnétique, lorsqu’il est naissant, pourrait être la cause de la supraconductivité, il devient une source de nuisance pour cette dernière lorsqu’il devient trop puissant. Est-ce donc ce qui empêcherait la supraconductivité de se déployer aux températures plus chaudes, le Graal tant recherché?

Faire parler les matériaux

Nicolas Doiron-Leyraud, chercheur au sein de l’équipe de Louis Taillefer à l’Université de Sherbrooke, s’est penché sur la compréhension de cette mystérieuse phase, le « pseudogap ». Ces récents travaux démontrent qu’une force magnétique semble orienter les électrons dans la même direction.

C’est en mesurant l’effet de Nernst — le rapport de la tension transverse sur le gradient thermique – d’un matériau supraconducteur cristallin très pur que le physicien a relevé la présence de cet ordre magnétique. Ce nouveau lien entre magnétisme et supraconductivité à haute température a causé un grand intérêt dans la communauté.

Car s’il reste, 100 ans après, bien des mystères à élucider, la ferveur reste la même chez les physiciens des matériaux. À la grande conférence du Regroupement québécois sur les matériaux de pointe (RQMP), présentée récemment à Montréal, 250 personnes buvaient littéralement les paroles de l’une des pionnières de la supraconductivité, la physicienne Laura H. Greene de l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign, oubliant même l’heure du lunch!

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