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Il fut une époque où le bout du monde était l’horizon. Puis, ce fut un pays lointain. Aujourd’hui, il est à 17 milliards et demi de kilomètres.

C’est la distance atteinte par la sonde Voyager 1, et c’est — peut-être — la frontière entre, d’un côté, la bulle formée par notre Soleil et toute sa zone d’influence, et de l’autre, le reste du cosmos.

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Encore que cette frontière, à en juger par les observations des six dernières années, ressemble de plus en plus à une zone grise : là où les astronomes s’attendaient à ce que Voyager 1 vive un choc au moment du passage, sa — très faible — antenne nous renvoie plutôt des indications comme quoi il s'agit d’une région où deux influences s’entremêlent. Les observations font l’objet d’un article paru cette semaine dans Nature.

La frontière en question est celle où, d’un côté — à l’intérieur de la bulle appelée héliosphère — souffle le vent solaire, et où, de l’autre, les particules émises par les autres étoiles et les atomes en promenade dans l’espace interstellaire, entrent en collision avec ce vent solaire. C’est le lieu, autrement dit, où le Soleil cesse d’être le seul maître à bord.

Mais c’est une immense région : c’est depuis 2004 que Voyager 1 mesure un vent solaire qui « souffle » de moins en moins fort, témoignant du fait qu’il est freiné par le milieu extérieur. À 17 milliards et demi de kilomètres, le vent aurait apparemment cessé.

Mais toujours pas de ligne tracée au couteau où cette influence laisserait brusquement place à autre chose. L’un des auteurs de la recherche dans Nature, le physicien Stamatios Krimigis, avance en fait comme hypothèse qu’il pourrait ne pas exister de frontière : Voyager 1 pourrait être d’ores et déjà passé de l’autre côté, sans que ses surveillants ne s’en soient aperçu.

Quant à cette bulle, elle n’est pas qu’un sujet de fascination pour physiciens : elle pourrait être un bouclier beaucoup plus utile que nous le soupçonnons, en nous protégeant par exemple des radiations émises par des étoiles qui explosent en supernova.

Enfin, la petite sonde continue de faire rêver : les observations publiées cette semaine sont les dernières d’une longue liste qu’on doit à Voyager 1 et 2, lancées en 1977. Après ses passages à proximité de Jupiter et Saturne, Voyager 1, en dépit d’être une machine d’une autre époque dotée d’un ordinateur qui possède moins de mémoire que la page que vous êtes en train de lire, avec six instruments sur 10 qui ont cessé de fonctionner, à une distance où ses signaux mettent 16 heures à nous parvenir, continue d’envoyer des données sur ce bout du monde où nul n’est jamais allé — et où nul n’ira sans doute avant très longtemps.

C’est aussi à Voyager 1 qu’on doit cette photo unique de la Terre, prise en 1990 à 6 milliards de kilomètres de distance, où notre planète apparaît sous la forme d’un minuscule point bleu dans un rayon de soleil.

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