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Un jour, vivre en ville ne signifiera plus se plonger dans le rythme trépidant et véloce de l’agitation urbaine. Les villes privilégieront plutôt la lenteur, la préservation du patrimoine urbain historique et les transports en commun au profit d’une démocratie participative. Rassemblées en un réseau international d’échanges d’idées et d’initiatives, les «Slow cities» administrent la ville autrement.

Le directeur de l’Observatoire québécois des loisirs, André Thibault, nous explique pourquoi les villes ralentissent.

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Agence Science-Presse (ASP) — Que faut-il pour être une «Slow city»?

André Thibault (AT) — Il y a maintenant 100 villes dans le monde qui font partie du mouvement, mais elles n’ont pas toutes les mêmes priorités. Pour certaines, le principal défi est le transport en commun. Pour d’autres, c’est la qualité de l’air... mais sur une base volontaire, elles échangent bonnes idées et initiatives. Elles possèdent des valeurs et des principes communs destinés à améliorer la qualité de vie et le bien-être de leurs citoyens. Ces villes font la promotion de la convivialité, de la place publique comme lieu de rencontres et influence la conception du territoire. Elles s’opposent au « tout pour l’automobile ». Au sein de ce réseau, ces villes de taille moyenne –moins de 60 000 habitants— partagent un idéal d’urbanisme.

ASP — Quelles villes sont des «Slow cities»?

AT — Au Canada, les villes de Cowichan Bay et Naramata en sont. Il n’y en a pas encore au Québec. Certaines villes pourraient le devenir, comme la ville de Trois-Rivières qui possède un centre-ville agréable où l’on peut flâner, des cafés assez proches pour pouvoir se parler d’une terrasse à l’autre, des parcs et des endroits urbains destinés aux familles. La notion de place publique est centrale : on s’y voit, on s’y rencontre et on sait que l’on appartient à une communauté. Dans les anciens villages, la sortie de la messe tenait cette fonction. Cela prend des aménagements urbains où les gens retrouvent le temps de se rencontrer et de tisser des liens, de faire une coupure avec le rythme accéléré de leur vie. C’est une philosophie vieille comme le monde : prendre son temps. En cela, le mouvement Slow City n’a rien inventé.

ASP – Slow food, Slow school : ce mouvement embrasse bien des domaines…

AT – Ce mouvement obéit à la même volonté de se réapproprier les choses. Avec le Slow food, on reprend le temps de goûter les aliments et non pas de les ingurgiter rapidement. On établit aussi un rapport avec les gens au-delà du fonctionnel, tout comme avec notre environnement. C’est une réalité encore marginale dans notre mode de vie très rapide. Le slow, c’est comme une lumière jaune qui signale l’importance de ralentir, de prendre le temps. Ralentir pour reprendre la quête véritable du temps libre.

ASP – Quels sont les avantages à ralentir?

AT — Ça prend du temps, un arrêt pour contempler le monde et savoir comment l’on s’y inscrit, se réapproprier nos propres sens. Notre conception du «plus vite plus de temps» est biaisée, car si tout va plus vite, les choses n’arrivent jamais, car tout va toujours trop rapidement. C’est la fameuse déception des vacances lorsqu’on réalise le tour de la Gaspésie en une semaine. Pour voir, il faut ralentir. Bien sûr, il faut bouger, mais trouver un équilibre entre les deux forces. La dialectique est de ralentir tout en étant en mouvement. Cela permet d’être conscient du temps présent!

ASP – Comment peut-on ralentir au quotidien?

AT — Nous ne sommes pas obligés de répondre au téléphone et à l’internet immédiatement. Il faut aussi prendre le temps de s’arrêter avant le travail. Passer 5 minutes à regarder le fleuve par la fenêtre n’est pas une perte de temps. Il ne faut pas non plus se noyer dans un verre d’eau. Prendre le temps d’un café ou de manger tranquillement. Cela nous permet d’intégrer la notion de relativité face aux petits et aux grands événements de notre quotidien. Les vacances ont cette fonction: renouer avec notre corps, avec notre famille et nos amis. Je ne suis pas contre Internet, si cela permet de reprendre contact entre les gens et de voyager. Il faut que le centre de loisirs virtuel comporte des éléments physiques : de vraies rencontres. Il importe de se réapproprier son environnement, les autres qui nous entourent et soi-même. Pour cela, il faut avoir du temps libre et donc ralentir!

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