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Si le Nigeria était au bord du golfe du Mexique, les environnementalistes ne parleraient que de lui ces jours-ci, et la compagnie pétrolière serait blâmée par le gouvernement pour sa négligence.

La fuite de 4 à 5 millions de litres de pétrole qui s’est produite en mer le 20 décembre était la pire en 13 ans, selon Reuters. Elle provenait d’une plateforme exploitant le gisement sous-marin Bonga, à 120 km de la côte du Nigeria. Mais c’était aussi une fuite de plus à ajouter à une déjà longue liste. Tellement longue que, selon une évaluation d’Amnistie Internationale, cette liste représenterait le double des dégâts survenus en 2010, au large de la Louisiane (500 millions de litres de pétrole).

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La compagnie Shell a affirmé le 1er janvier que les opérations avaient repris en mer et que les dégâts étaient à présent nettoyés. Les pêcheurs et villageois locaux affirment de leur côté que le pétrole continue d’être rejeté sur leurs rivages. Peu de médias internationaux sont sur place pour vérifier.

Mais peu d’écologistes aussi. Le fait que cette marée noire ait atteint les écrans radars des journaux ces dernières semaines, tient à son ampleur. La plupart du temps, la pollution locale n’a même pas droit à cette publicité.

C’est qu’en plus des marées noires, les pipelines qui traversent le delta du fleuve Niger ont fui à plusieurs reprises: au moins 7000 fuites depuis 1989. La compagnie blâme des saboteurs ou des voleurs de pétrole. Mais en août 2011, un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) blâmait sévèrement Shell et le gouvernement du Nigeria pour leur responsabilité conjointe dans «50 années de pollution».

On parle ici d’une région de 1000 kilomètres carrés, appelée Ogoniland, faisant partie du delta du Niger. C’était la première étude à grande échelle de la pollution dans cette région, après un demi-siècle.

Mises bout à bout, évaluait le PNUE, ces fuites et ces marées noires nécessiteraient aujourd’hui le plus gros effort de nettoyage au monde: une facture évaluée à un milliard —qui devrait venir des compagnies responsables, selon le PNUE— et un travail de remise en l’état s’étalant sur 25 à 30 ans.

Responsabilités

En août dernier, Shell reconnaissait sa responsabilité dans deux fuites majeures d’un de ses pipelines qui, en 2008, avaient dévasté 20 kilomètres carrés de criques et de ruisseaux. Selon les autorités de la ville la plus proche, Bodo, Shell aurait initialement offert de les compenser avec 50 sacs de riz, 50 sacs de fèves et quelques caisses de sucre, de tomates et d’huile d’arachide.

Un recours collectif avait par la suite été déposé par une firme d’avocats de Londres, au nom des habitants de Bodo, et c’est cette démarche qui avait conduit Shell à admettre sa responsabilité dans le double accident de 2008. Cette responsabilité pourrait lui coûter des centaines de millions et d’autres causes pourraient se retrouver devant des tribunaux britanniques.

Concrètement, les dégâts combinés de ces dernières décennies se traduisent par de l’eau potable à forte concentration en benzène et autres polluants. Par des sols contaminés jusqu’à 5 mètres de profondeur en certains endroits. Par des zones contaminées par une fuite passée qui, contrairement aux déclarations de la compagnie, sont toujours contaminées. Et par une incapacité de la part de Shell de se conformer même aux normes anti-pollution du Nigeria, peu contraignantes par rapport à celles des pays plus riches.

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