dreamstime_xs_11558673.jpg
Pendant qu’une bonne partie des Nord-Américains vivent un des hivers les plus doux et secs en une génération, une bonne partie des Européens vivent une intense vague de froid. Deux phénomènes opposés, une origine commune.

Pour les Québécois, des températures oscillant entre -5°C et -10°C, comme ce qu’ont connu les Parisiens, ne constitueraient pas une «vague de froid» et quelques centimètres de neige ne provoqueraient qu’un haussement d’épaules. Mais dans bien des pays d’Europe —et jusqu’à Tripoli, en Libye!— peu habitués aux tuques et aux pneus d’hiver, c’est non seulement dur, c’est tragique: en Ukraine, 135 personnes seraient mortes de froid, pour la plupart des sans-abris.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Cette situation s’étire depuis le 26 janvier. Et si elle est inhabituelle, elle n’est pas rare: la détentrice précédente d’un record parmi les vagues de froid, selon le météorologue Maximiliano Herrera, remonte à février 1991. Encore que, dans certains endroits, ça frappe beaucoup plus dur: la Bulgarie rapporte des records de froid de plus d’un siècle.

Le coupable s’appelle courant-jet. Ce sont des courants aériens qui, à des altitudes de 6 à 15 km, font le tour du globe d’ouest en est. Celui qui nous intéresse ici passe au-dessus de l’Amérique du Nord puis de l’Atlantique Nord, où il devient, en hiver, une barrière limitant la descente des courants glaciaux de l’Arctique.

Il suit normalement une route plus ou moins droite, mais en ce moment, cette route ressemble plutôt à celle d’un conducteur ivre, avec le sommet d’une vague au-dessus d’une partie de l’Amérique du Nord —empêchant le froid de l’Arctique de descendre— et le creux d’une autre vague au-dessus de l’Europe —permettant à ces mêmes froids arctiques de descendre. Là-bas, ce creux de la vague n’a plus bougé depuis le 26 janvier, en partie à cause d’une zone de haute pression qui, venue de Sibérie, s’est mise dans le chemin.

De telles oscillations ne sont pas anormales, elles non plus: on les appelle "oscillations arctiques" et quand elles sont dans une phase dite négative, elles entraînent des températures plus basses que la moyenne en Europe. En fait, la plupart du temps selon le météorologue Jeff Masters, l’Oscillation arctique et sa compagne, l’Oscillation nord-atlantique, ont pour conséquence des hivers plus froids au-dessus des deux continents en même temps. Mais pas depuis deux semaines.

Les scientifiques ignorent ce qui cause le passage d’une oscillation arctique «positive» à une «négative», mais semblent nombreux à dire que la dernière décennie a connu un nombre anormalement élevé d’événements météorologiques extrêmes pouvant être associés à ces oscillations arctiques. S’ils ont raison, et si l’Arctique a quelque chose à y voir, les premiers soupçons se portent sur la diminution de la calotte glaciaire, mais personne n’est en mesure de l’affirmer, dans un sens ou dans l’autre.

Je donne