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Après avoir tenté d’infiltrer l’école, est-ce le tour de l’université? Un rapport accuse un professeur de l’Université Carleton, à Ottawa, d’avoir donné pendant trois ans un cours à teneur climatosceptique.

Générant depuis quelques jours une publicité dont l’Université Carleton se serait bien passée, le rapport a fait l’objet d’articles dans le Guardian de Londres et jusqu’en Allemagne. Et a soulevé une épineuse question : où commence et où finit la liberté universitaire?

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Le 28 février, le groupe Committee for the Advancement of Skeptical Science (CASS) a publié un rapport sur le cours Climate Change: An Earth Sciences Perspective . Il y énumère 142 erreurs, exagérations ou «faux-fuyants», ayant en commun de remettre en question la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. On y trouve par exemple une confusion entre la météorologie —qui fait des prévisions pour les jours à venir— et la climatologie, qui examine le long terme. Ou une affirmation à l’effet que le CO2 n’est pas un motif d’inquiétude puisque ce n’est que de la «nourriture des plantes». Et une prévision, présentée comme un fait, selon laquelle nous nous dirigerions vers un «refroidissement global».

Le cours, créé il y a une dizaine d’années au département des sciences de la terre de l’Université Carleton, a été donné de 2009 à 2011 par Tom Harris, en remplacement du professeur attitré, Tim Patterson.

Tom Harris est un consultant en communications, diplômé en génie mécanique. Il est directeur de l’International Climate Change Coalition, un groupe d’Ottawa connu pour ses activités climatosceptiques et pour son opposition aux «dangereux impacts de tentatives de remplacement de sources d’énergie conventionnelles par des éoliennes, des panneaux solaires, des biocarburants et autres sources d’énergie coûteuses et inefficaces». Harris est de plus associé à l’Institut Heartland de Chicago, autre groupe important de la mouvance climatosceptique, qui est sur la sellette depuis deux semaines pour son plan d’infiltration du programme scolaire aux États-Unis.

Harris a également travaillé il y a quelques années comme consultant en relations publiques pour un projet financé par l’industrie pétrolière qui, sous le couvert de fonds de recherche alloués à l’Université de Calgary, a plutôt servi à produire un vidéo attaquant le Protocole de Kyoto (voir ce texte). L’Université de Calgary a fermé ce fonds en 2007, à la suite d’une enquête interne.

Quant à CASS, c’est un comité de l’organisme à but non lucratif Centre for Inquiry Canada, qui avait fait les manchettes en 2011 avec sa campagne publicitaire dans les autobus de diverses villes remettant en question l’existence de Dieu.

L’auteur principal du rapport, Chris Hassall, est un biologiste qui vient de compléter un doctorat sur l’impact du réchauffement climatique sur les insectes. Il enseigne lui aussi à l’Université Carleton. Il affirme ne pas avoir pour intention de brimer la liberté d’enseigner, mais, lit-on dans son rapport, «la question est de savoir si une institution comme Carleton peut être excusée pour employer un professeur sans la crédibilité pertinente, et dans un conflit d’intérêt aussi évident».

Un des plus gros problèmes (...) est que [Harris] ne cite généralement pas de sources primaires —des références dans la littérature révisée par les pairs qui permettraient de vérifier ses affirmations. Au lieu de cela, il dit constamment aux étudiants qu’il a été en contact personnel ou par courriel avec des scientifiques prestigieux qui lui ont fourni l’information.

«Si vous enseignez autant, vous allez nécessairement trouver des erreurs ici et là», s’est défendu Tom Harris. Le rapport est basé sur des enregistrements de son cours. L’Université Carleton a promptement répliqué que le cours n’avait de toute façon pas été donné cette année.

Le rapport sur ce cours insère même des commentaires d’étudiants —obtenus du site Rate my professor— qui ont apprécié l’enseignement: «c’est bon d’avoir une fraîche perspective sur le réchauffement climatique plutôt que la version alarmiste dramatique... Harris présente des preuves plutôt convaincantes.»

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