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La recherche historique et littéraire peut-elle aider à revitaliser les communautés d’expression anglaise au Québec? Deux chercheurs, réunis cette semaine à Montréal à l’occasion du congrès de l’ACFAS, croient que oui.

Les discours historique et littéraire en disent long sur notre communauté et nos rapports avec les autres. Si l’histoire a tendance à s’organiser en un discours dominant, la littérature présente plutôt une mosaïque de perceptions individuelles, révélatrice d’un tout. Ces deux formes de discours peuvent aider des communautés à se comprendre et à se structurer.

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Le rôle de la conscience historique

Paul Zanazanian, chercheur en éducation à l’Université Concordia, déplore le manque de connaissances quant à l’impact de la conscience historique des Anglo-Québécois sur la vitalité de leurs communautés. Il a voulu explorer la vision que les jeunes anglophones ont de l’histoire du Québec. «L’histoire enseignée dans les écoles est constituée principalement des marqueurs identitaires de la majorité francophone, et tend à occulter les réalités sociales et historiques de la minorité anglophone», juge-t-il.

Cette occultation complique l’intégration des jeunes anglo-québécois. Selon le chercheur, ceux-ci comprennent le discours historique dominant au Québec, mais n’arrivent pas à s’y attacher émotionnellement. Ce narratif ne nourrit donc pas leur sentiment d’appartenance communautaire. «Les anglophones critiquent le discours dominant, mais n’ont pas de discours clair à y opposer, note le chercheur. S’ils développaient leur propre vision de la place des anglophones dans l’histoire du Québec, cela deviendrait un outil formidable pour prévenir le déclin de leurs communautés».

Au cœur du Québec, l’hybridité

De son côté, Marie Leconte, candidate au doctorat en études anglaises à l’Université de Montréal, retrouve chez nombre d’auteurs anglo-québécois ce qui fait la spécificité de l’identité québécoise: son hybridité. Une caractéristique s’opposant au réflexe habituel nous conduisant à vouloir clarifier la question identitaire. «Le flou est très difficile à gérer, notamment pour les pouvoirs publics», dit-elle.

Pour les écrivains, au contraire, ces identités incertaines sont d’une grande richesse. Dans Lullabies for little criminals, paru en 2006, l’auteure Heather O’Neill, nous fait suivre le parcours difficile de Baby, jeune fille de 12 ans, orpheline de mère et dont le père est un héroïnomane désargenté. Tout au long du roman, un grand nombre de références culturelles et linguistiques se bousculent. La jeune fille lit des Tintin et du Réjean Ducharme, mais aussi des Archies et des National Geographic. Elle écoute Aznavour et Leclerc, aussi bien que Led Zeppelin. Quant au cinéma, il est bien sûr américain!

Ce chevauchement des cultures anglophones et francophones est propre au Québec, constate la chercheuse, qui offre en exemple la traduction du livre, écrite en France. «Cette version perd toute la profondeur québécoise, avec des mots qui ne sont pas les nôtres, et une surenchère de notes de bas de page expliquant les références plus américaines».

Au fond, se questionne la chercheuse, peut-on vraiment séparer le français de l’anglais au Québec? Notre territoire est un espace partagé, presque de force, entre ces deux cultures linguistiques, lesquelles non seulement se côtoient, mais s’entremêlent, défiant l’image homogène que l’on voudrait avoir de notre identité. Au fond, c’est peut-être justement cela, être Québécois…

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