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Christiane Ayotte dirige le seul laboratoire de contrôle du dopage au Canada reconnu par l’Agence mondiale antidopage (AMA). C’est en 1976 qu’est mis sur pied le labo, juste avant les Jeux olympiques de Montréal.

D’abord associée de recherche, la chercheuse diplômée en chimie est aujourd’hui à la tête du deuxième laboratoire mondial en termes de volume d’échantillons analysés. Son combat contre le dopage a débuté il y a plus de 30 ans. Bilan à quatre mois des JO de Londres.

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La bataille contre le dopage a-t-elle beaucoup changé en trois décennies?

Oui, elle est devenue plus cohérente. Au début des années 80, 25 000 tests étaient réalisés chaque année dans le monde, contre près de 270 000 aujourd’hui. Les athlètes sont aussi maintenant contrôlés en dehors des compétitions sportives. Les tests sont moins perçus comme une intrusion dans la vie privée. La plupart des sportifs consentent à s’y plier à condition qu’ils soient justes et équitables.

Tous les sports sont-ils concernés?

Aucun sport n’est épargné, mais certaines disciplines sportives sont particulièrement éprouvées. C’est le cas du cyclisme professionnel, dans lequel il y a une sous-culture du dopage. Le ski de fond ou la gymnastique sont notamment touchés. Des petites filles prennent des médicaments pour maigrir, ce qui peut avoir de graves conséquences sur leur santé. Dans certains pays, la pression politique est aussi très forte: il y a une satisfaction quasi déraisonnable accordée aux performances des athlètes.

Les produits dopants consommés ont-ils changé?

L’arsenal de base n’a pas disparu. Je pense au stanozolol, ces fameux stéroïdes anabolisants utilisés par le Canadien Ben Johnson pour développer la force musculaire. Des diurétiques sont pris par les athlètes qui doivent se maintenir dans une catégorie de poids. Pour faciliter la récupération, de petites doses de testostérone sont aussi utilisées. Des stimulants permettent de combattre la fatigue pour peut-être gagner le millième de seconde manquant… L’arsenal ne fait qu’augmenter. Des cocktails dopants sont souvent consommés, parfois jusqu’à six mois avant une épreuve sportive.

C’est un jeu du chat et de la souris alors?

Absolument. Les athlètes dopés s’adaptent à l’évolution des méthodes de dépistage. Par exemple, la technologie pour détecter les anabolisants est aujourd’hui mille fois plus raffinée que dans les années 80. Certaines traces de produits dopants peuvent rester dans les urines longtemps. D’autres, comme l’EPO ou les hormones de croissance, disparaissent en moins de 24 heures. Il faut généraliser les tests tout au long de la carrière de l’athlète.

Le dopage, la faute à qui selon vous?

À la société dans laquelle on vit. Les citoyens adoptent en majorité des conduites dopantes. Pour perdre 20 livres, surmonter un deuil ou sa gêne, il y a toujours un médicament. Les athlètes, qui sont nos filles et nos fils, ont les mêmes comportements. Je ne dirai pas pour autant que tous les athlètes se dopent. Et ceux qui le font se sentent souvent extrêmement coupables. Cependant, les vraies victimes du dopage sont les athlètes honnêtes qui sont exclus des premières places des podiums.

Quel rôle jouerez-vous aux Jeux olympiques de Londres cet été?

Je serai à Londres en tant qu’expert pour le Comité international olympique. En cas de contrôle positif, j’assurerai une deuxième révision rapide. Pour plus de 10 500 athlètes, près de 5 000 tests sanguins et d’urine seront réalisés en moins d’un mois. La lutte antidopage est efficace si elle est imprévisible, la stratégie sera décidée à la dernière minute.

Ce texte a d’abord été publié sur le site LavalScientastique qui recense les activités et les actualités scientifiques lavalloises.

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