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À la fin du mois dernier, en dépouillant son courrier, Stephen Harper a relevé une lettre signée de la main même de la présidente de la Société Royale du Canada. Le premier ministre canadien ne se voyait pas cette fois-ci invité par l’illustre société à participer à la remise annuelle des prestigieux prix de l’Ordre du Canada. Non, il s’agissait plutôt d’une lettre de réprimande.

Dans cette courte lettre, Yolande Grisé exprimait au plus haut dirigeant du pays sa «déception profonde et son regret quant aux récentes réductions budgétaires qui touchent plusieurs ministères et organismes gouvernementaux.»

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En plus de lui signifier son inquiétude «quant aux conséquences du projet de loi C-38 pour le savoir et la recherche.» Et pour se montrer encore plus persuasive quant aux inquiétantes conséquences de ces coupes, Mme Grisé citait trois exemples, dont la fermeture prochaine des installations de la région des lacs expérimentaux, dont la presse canadienne –et internationale– a fait grand écho en mai dernier.

Selon la présidente du plus important regroupement de scientifiques canadiens, dont l’un des objectifs principaux est l’avancement du savoir dans les domaines des arts, des lettres et des sciences, ces réductions pourraient avoir un impact majeur à court et à long terme sur l’innovation et la recherche canadienne.

Madame Grisé terminait sa lettre en réitérant au premier ministre son entière disposition –le temps pressait, le projet de loi devant être voté quelques jours plus tard— à s’entretenir sur ce sujet avec lui ou ses représentants.

Un projet de loi controversé

Le projet de loi C-38, auquel faisait référence dans sa lettre la présidente de la Société Royale du Canada, est finalement devenu loi le 29 juin.

Alors qu’elle n’en était encore qu’au stade de projet, la loi C-38, en modifiant de nombreuses autres lois touchant notamment la sécurité de la vieillesse, l’immigration et l’environnement, avait déjà soulevé la controverse, partout au Canada.

En tant qu’observateur de la politique scientifique canadienne, le magazine britannique Nature est depuis revenu sur les incidences possibles de cette loi –après avoir traité du bâillonnement des scientifiques fédéraux en février dernier— dans une courte lettre signée de trois chercheurs affiliés à l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique et intitulée «Canada: un triste jour pour l’environnement». Les auteurs concluent que les tactiques mises de l’avant par le gouvernement canadien par l’entremise de cette nouvelle loi «correspondent à l’intransigeance du Canada dans le dossier des changements climatiques: cette même loi fait de ce pays le premier à s’être retiré de l’Accord de Kyoto.»

Des scientifiques dans la rue

Suite à l’adoption de la loi C-38, la colère au sein de la communauté scientifique est aussi montée d’un cran. Ces scientifiques, qui osent rarement se prononcer, sont sortis dans la rue, à Ottawa le 10 juillet dernier, pour démontrer leur mécontentement de façon plutôt originale: ils ont formé un long cortège funèbre pour dénoncer la mort de la preuve scientifique, imputée au gouvernement conservateur.

L’événement a marqué un grand coup: 2000 scientifiques ont revêtu pour l’occasion leurs plus beaux habits: leurs sarraus!, et plusieurs médias canadiens –et à l’extérieur du pays– ont couvert la manifestation. Au lendemain de la protestation, le journal britannique The Guardian a affirmé que, bien qu’il s’agisse là d’une préoccupation nationale, les coupes budgétaires mises de l’avant par le gouvernement canadien pourraient avoir des retombées mondiales et que, pour cette raison, les scientifiques canadiens devraient pouvoir bénéficier de l’appui de la communauté internationale.

Une coupe n’attend pas l’autre

Dans la foulée de ces coupes budgétaires, une autre qui touche cette fois-ci les Montréalais vient d’être annoncée. Le gouvernement conservateur faisait récemment savoir que la Biosphère, située au parc Jean-Drapeau à Montréal, changera à la fin de 2013 de vocation.

D’un musée dédié à l’environnement, où se tiennent depuis une quinzaine d’années de nombreuses activités éducatives à l’intention des jeunes écoliers de la région métropolitaine, les installations hébergeront bientôt un centre de météorologie fermé au grand public.

Dans un courriel envoyé au Devoir, Céline Tremblay, conseillère principale en relations avec les médias à Environnement Canada, expliquait «que le ministère s’efforce de mieux concentrer ses ressources sur des activités qui contribuent directement à l’exécution de son mandat, les activités éducatives et de sensibilisation, bien qu’importantes, constituent une priorité de moindre importance.»

Une campagne de sensibilisation contre la fermeture de la Biosphère, orchestrée par l’Association des communicateurs scientifiques et Science pour tous, a été lancée la semaine dernière. Les deux organisations invitent les Montréalais à faire pression auprès du maire de Montréal pour que son administration –les installations de la Biosphère étant louées à Environnement Canada— refuse ce changement de vocation. La campagne de cartes postales est en cours cette semaine: tous les détails sont ici.

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