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Les réseaux sociaux en bourdonnent depuis quelques jours : des fossiles de mâchoires qui pointeraient vers « trois espèces humaines » préhistoriques. Qu’est-ce que cela change au statut du bien nommé Homo sapiens?

La réponse est plus difficile que ne le laissent soupçonner les gros titres, parce que dans le détail, à beaucoup d’égards, cette recherche, publiée dans Nature, apporte autant de questions que de réponses.

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A priori, ces nouveaux fossiles confirmeraient que l’Homo rudolfensis aurait bel et bien été une espèce distincte de l’Homo erectus, la grosse vedette de l’époque —il y a 1,7 à 2 millions d’années. Le débat là-dessus remonte à 1972, lorsqu’un premier crâne au visage plus plat que celui des Erectus avait été découvert : on l’avait baptisé Homo rudolfensis et, depuis, les paléontologues ont du mal à s’entendre sur sa place dans l’arbre généalogique.

La principale raison est qu’on a, depuis 1972, découvert tantôt un crâne, tantôt une mâchoire, mais jamais les deux au même endroit. C’est précisément la lacune que comblerait la présente découverte —mais sans combler pour autant le fossé entre les paléontologues.

La découverte en question : trois fossiles —deux maxillaires inférieurs et le bas du visage d’un jeune—découverts dans un même endroit du nord du Kenya, appelé Koobi Fora. L’équipe dirigée par Meave Leakey —femme de Richard Leakey, lui-même fils des célèbres Louis et Mary Leakey, pionniers des recherches sur l’origine africaine de l’humanité— y voit toutes les caractéristiques attribuées à l’hominidé rudolfensis de 1972, ce qui tendrait donc à démontrer que ce fossile de 1972 n’était pas une simple anomalie.

L’un des problèmes, mineur dans les circonstances jugent Leakey et ses collègues, c’est que trois fossiles restent une récolte bien maigre. Mais le problème majeur pour qui voudrait dessiner un arbre généalogique clair et net, c’est que tous les fossiles catalogués rudolfensis depuis 1972 n’en présentent pas, eux, toutes les caractéristiques requises. Leakey et ses collègues suggèrent donc que leur découverte démontre qu’au moins un des pseudo-Rudolfensis (appelé KNM-ER 1802) appartient à une troisième espèce, non pas Homo erectus mais Homo habilis.

Tout cela prend les allures d’un débat très pointu d’experts, mais devient en fait un débat presque philosophique : il semble effectivement plausible qu’à la même époque, il y a un million et demi à deux millions d’années, dans les plaines d’Afrique, vivaient non pas une, non pas deux, mais trois espèces pré-humaines.

Pendant une aussi longue période, celles-ci n’ont pu faire autrement que de trouver l’une des autres sur leur route : Homo erectus, Homo habilis et à présent Homo rudolfensis. Assez semblables physiquement et en même temps très différentes. Comment se sont-elles comportées les unes envers les autres? Y a-t-il eu hybridation —dont nous serions les descendants— ou ont-elles suivi des routes complètement séparées, dont seulement une a conduit à nous?

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