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On l’a appelé Sandy mais surtout, la «Frankenstorm» en raison d’une collision inhabituelle entre le chaud et le froid. Mais à quel point inhabituel? Au point de dire qu’elle est amplifiée par le réchauffement climatique... et qu’il y en aura d’autres comme elle? D’ici à mercredi, ajoutez vos propres réponses, commentaires, découvertes, sur cette page, sur Facebook ou sur Twitter (@sciencepresse).

En guise d'introduction: Quoi qu’il puisse arriver d’ici à mercredi, Sandy est déjà passée à l’histoire. Elle a battu en fin de semaine, un record pour l’étendue de son «territoire», avec des vents violents jusqu’à 700km du centre. D’où le fait que, sur terre, les avis d’évacuation et les alertes d’inondations s’étendent de la Caroline du Nord jusqu’au Maine.

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Mais si on parle de Sandy depuis une semaine comme d’une Frankenstorm, c’est en raison de l’hybridation, ou la fusion, entre la tempête tropicale qu’elle était et un front froid de l’Arctique. Sans ce front froid, l’ouragan aurait viré vers l’est et se serait dissipé dans l’Atlantique.

Au lieu de cela, on se retrouve avec une tempête combinée, un ouragan post-tropical dans le jargon des météorologues, comme il ne s’en produit que quelques fois par siècle —et d’une ampleur qui pourrait être unique de mémoire d’humain. Elle laissera des trombes d’eau pendant plus de 36 heures —et pour couronner le tout, un jour de pleine lune (lundi), où les marées sont à leur plus haut.

29 octobre, 9h30: Pour le militant environnemental Bill McKibben, il ne fait aucun doute que cette «Frankenstorm» est le résultat de l’action de l’homme sur le climat.

Vous ne pouvez pas, comme les climatosceptiques se plaisent à le dire, blâmer le réchauffement planétaire pour n’importe quel ouragan... Mais quand l’océan est chaud —et à ce moment, la température de surface de l’océan au large du Nord-Est [des États-Unis] est de cinq degrés [Fahrenheit] au-dessus de la normale— une tempête comme Sandy peut rester au nord plus longtemps et avec plus de force... Frankenstorm est un nom adéquat pour Sandy, et de fait pour beaucoup d’autres tempêtes et sécheresses et canicules à présent. Ils sont liés les uns aux autres par quelque sinistre combinaison du naturel et de l’artificiel.

Et il y aura d’autres tempêtes, poursuit McKibben:

Mon État natal [le Vermont] a subi le plus gros d’Irene, la tempête «record» de l’an dernier... Je sais maintenant quel pouvoir un océan plus chaud peut receler et à quelle distance la douleur peut s’étendre. Et revivant cette peur, je commence à sentir ce que le futur pourrait être, alors que de plus en plus de gens dans le monde font face à des assauts encore plus fréquents des forces de ce monde-pas-si-naturel.

10h Pour le météorologue Stu Ostro, du Weather Channel (28 octobre), spécialiste des événements extrêmes, «l’histoire est en train de s’écrire».

Rassemblement d’une combinaison météorologiquement renversante: une des tempêtes tropicales les plus étendues [jamais observées]; un virage abrupt à gauche en direction du New Jersey, sans précédent dans les bases de données historiques, alors que l’empêche d’aller se perdre en mer un ensemble qui comprend une crête exceptionnellement puissante de haute pression au-dessus du Groenland; un cyclone tropical au coeur chaud, enveloppé dans une tempête du nordet (nor’easter) plus large; et éventuellement, de l’humidité tropicale et de l’air arctique se combinant pour produire de la neige dans les montagnes intérieures. C’est une situation extraordinaire, et je ne suis pas sujet à l’hyperbole.

11h Quant à ce front froid de l’Arctique venu compliquer les choses, il ne surgit pas de nulle part. Ses semblables ont été plus nombreux ces dernières années, et il est possible que ce soit lié à la fonte des glaces. Fonte qui, cette année, atteint un nouveau record, ce qui pourrait altérer la météo, soulignait dès le 30 septembre Andrew Freedman, du blogue Climate Central.

Il en profitait pour pointer une étude parue ce printemips, sous la direction de Jennifer Francis de l’Université Rutgers, liant les changements climatiques rapides que vit l’Arctique aux événements extrêmes des États-Unis et de l'Europe. «Pourrait conduire à une probabilité plus élevée d’événements météorologiques extrêmes».

13h La même Jennifer Francis intervient sur le blogue DotEarth du journaliste Andrew Revkin (28 octobre), à propos du lien possible entre la fonte record des glaces de l’Arctique et la tempête record qu’est Sandy.

Le type de courant-jet (jet stream) (...) qui a été en place depuis deux semaines (...) est exactement du type, très amplifié, que je m’attend à voir davantage en réponse à la perte de glace et au réchauffement accru dans l’Arctique. (...) Il se pourrait que le réchauffement généralisé, de pair avec des températures élevées à la surface de l’océan, aient allongé la saison des tempêtes tropicales, rendant plus probable la formation d’une Sandy et son déplacement si loin vers le nord, lui fournissant l’opportunité d’interagir avec un puissant courant-jet...

14h30 Réchauffement climatique signifie nécessairement davantage de tempêtes majeures, convient Kevin Trenbeth, du Centre de recherche atmosphérique des États-Unis (28 octobre). Mais le lien avec l’Arctique, pour lui, c’est autre chose.

Les températures à la surface de l’océan, le long de la côte, sont d’au moins 5 degrés Fahrenheit au-dessus de la moyenne, et un de ces degrés provient du réchauffement planétaire. Il en résulte de plus violentes tempêtes et davantage de précipitations.

Mais pour ce qui est du lien avec l’Arctique, je n’y crois pas (...) Il y a plusieurs possibilités dans l’hémisphère Nord. L’une peut être la fonte de la calotte glaciaire de l’Arctique, une autre peut être le rétrécissement de la couche d’ozone et sûrement des événements dans la stratosphère.

16h15: Depuis un mois, au moins trois études ont tracé un lien entre réchauffement climatique et la météo telle qu'elle est en train de se transformer.

  • La première ( Nature Geoscience, 30 septembre) conclut que les systèmes de haute pression d’été, au-dessus des océans, vont s’intensifier au cours du prochain siècle à cause de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
  • La deuxième ( Geophysical Research Letters, 10 octobre), révèle que les systèmes atmosphériques au-dessus de l’Arctique ont été altérés par la fonte des glaces, avec des impacts imprévisibles sur la météo au-dessus de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
  • La troisième ( PNAS, 15 octobre) conclut que les ouragans du type de Katrina, qui a dévasté la Nouvelle-Orléans en 2005, sont deux fois plus nombreux (depuis 1923) dans les années «chaudes» que dans les «froides».

20 h 50: Ceci dit, rappelle l’auteur Adam Frank, la question est complexe. C’est récemment, rappelle-t-il, que les chercheurs ont commencé à prendre le problème de «l’attribution» au sérieux —c’est-à-dire la possibilité que certains événements météo puissent être attribués au réchauffement climatique, et la possibilité qu’on puisse calculer cette probabilité. Mais...

... il existe une hiérarchie d’événements dont les scientifiques ont le sentiment qu’ils les comprennent assez bien pour établir des liens avec les changements climatiques. La hausse globale des températures et les canicules figurent en haut de cette liste, mais les ouragans, en bas.

22 h 30: Bill McKibben, encore —fondateur de 350.org, et ce que les États-Unis ont de plus proche d’un chef de file environnemental. Se référant à l’année qui s’achève —records de chaleur aux États-Unis, fonte de l’Arctique, et à présent cette tempête— il déclarait ce matin :

S’il n’y a jamais eu quelque chose pour nous réveiller, c'est le moment.

30 octobre, 7h30: Sans commentaires.

climateprogress 9:41pm CNN's meteorologist just said: "There's no one that's not 300 years old that has seen anything like this." #Sandy bit.ly/V1QiN5

13h20 La leçon servira peut-être à New York —qui n'avait pas connu de tel ouragan depuis plus d'un siècle— pour s'adapter à une hausse prévisible du niveau des eaux, écrit ce matin le New York Times .

Avec des mers plus élevées, même une tempête ordinaire pourrait se révéler aussi désastreuse qu'une rare tempête majeure comme Sandy, suggèrent ces experts. Si les eaux montaient de 4 pieds [1 mètre 20] d'ici aux années 2080, 34% des rues de la ville seraient dans la zone à risque d'inondation, prévenait une étude commandée en 2011 par l'État, contre seulement 11% maintenant.

16h 15: Un bon texte de vulgarisation de la revue Quartz sur les liens, connus et inconnus, entre réchauffement climatique et ouragans.

16h30: L'éditorialiste du Star-Ledger, un des principaux quotidiens du New Jersey, qui a littéralement reçu Sandy en plein visage, s'inquiète lui aussi:

Plus personne ne parle des changements climatiques. Mais soyons sérieux: cet ouragan est exactement la sorte d'événement dont les scientifiques nous ont prévenus. Certes, les climatosceptiques vous diront qu'un ouragan comme Sandy aurait pu nous frapper de toutes façons, et que des tempêtes de ce type se produisaient longtemps avant la révolution industrielle. C'est vrai.

Mais lorsque nous voyons une série sans fin d'événements météo briser des records à travers le monde, toute personne saine d'esprit doit admettre que quelque chose va terriblement de travers.

23 h 45: Les ouragans de l'Atlantique demeurent une inconnue pour les climatologues. Certains disent que le réchauffement climatique n'aura pas d'impact sur leur nombre, d'autres estiment qu'il y aura moins d'ouragans. Mais là où tout le monde semble s'entendre, c'est que les ouragans de forte intensité seront plus fréquents. Sandy va sûrement provoquer un surcroît d'intérêt, déclare Kerry Emanuel dans le New York Times :

Je pense qu'il va y avoir beaucoup de recherches qui vont sortir de ceci, mais ça va prendre quelques années.

Je donne