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Les Québécois qui se sont soulevés contre l’exploitation de gaz de schiste auront du mal à l’admettre, mais le Québec ne s’en sort pas si mal, lorsqu'il s'agit d'écouter les citoyens quant à l'impact environnemental des projets industriels. C’est le sujet de notre émission de cette semaine.

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Ces dernières années, avec le gaz de schiste, avec le pétrole d’Anticosti, la centrale du Suroît, le mont Orford, on a eu l’impression que la balance penchait plus souvent qu'autrement du côté des industriels ou des intérêts privés. Or, le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (le BAPE) a bel et bien plaidé en faveur d’un encadrement plus strict de l’industrie du gaz de schiste.

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C’est ce que rappelle Louis Simard, un de nos deux invités cette semaine : dans une étude parue en 2011, il concluait que l’analyse des 275 rapports du BAPE depuis 1978, ne révèle aucun parti pris mais plutôt trois périodes historiques, avec chacune leurs caractéristiques.

Jean Baril quant à lui, plaide depuis 2006 pour un BAPE réformé qui le rendrait plus ajusté aux ambitions modernes de développement durable, mais reconnaît à l'organisme des atouts.

Lors de sa création en 1978, le BAPE représentait quelque chose d’assez innovateur : donner la parole au citoyen, instaurer un mécanisme plus « participatif » comme on dit aujourd’hui, chaque fois que des projets risquent d’avoir un impact sur l’environnement.

Le BAPE est revenu dans l’actualité ce mois-ci, lorsque son président a été limogé par le nouveau ministre de l’Environnement du nouveau gouvernement du Parti québécois, Daniel Breton. L'organisme a-t-il besoin d'un changement à la direction ou d'une réforme plus en profondeur?

Nos invités :

  • Louis Simard, de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa et co-auteur d’une étude sur la genèse et l’évolution du BAPE.
  • Jean Baril, avocat spécialisé en droit de l’environnement, vice-président du Centre québécois du droit de l'environnement, un critique de longue date du BAPE et auteur d’un livre à ce sujet, Le BAPE devant les citoyens.

 

En musique : Il faut que tu saches – interprété par Fred Pellerin. Paroles de René-Richard Cyr.

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Je vote pour la science est diffusée le mardi à 11h à Radio Centre-Ville (102,3 FM Montréal). Vous trouverez sur cette page des liens vers les émissions des saisons précédentes. Pour en savoir plus sur l'initiative Je vote pour la science, rendez-vous ici. Vous pouvez également nous suivre sur Twitter et nous télécharger sur iTunes.

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Transcription de la première partie

Isabelle Burgun: Puisqu’on parle d’environnement et de politique cette semaine, trois nouvelles qui pourraient vous intéresser.

La première: le gouvernement Harper a effacé le mot “environnement” du site web du ministère des Transports. Selon le journaliste Mike de Souza, cette décision servirait à appuyer la réforme de la loi sur les eaux navigables qui est actuellement débattue au parlement.

Il s’agit de la réforme par laquelle des constructions de routes ou de ponts, par exemple, ne seraient plus soumises à des processus d’évaluation environnementale, dans la grande majorité des rivières et lacs canadiens. Cette réforme n’est pas encore adoptée, elle est incluse dans les 400 pages du projet de loi visant à adopter le budget de cette année, ce qui a provoqué la colère des groupes environnementaux, qui y voient une façon d’enterrer discrètement les études d’impacts.

Le journaliste d’Ottawa souligne que les références aux processus d’évaluation environnementale ont été effacés du site web du ministère des Transports, deux jours après qu’un député de l’opposition ait posé une question sur les responsabilités du ministère des Transports en la matière.

Toujours à Ottawa. Un organisme fédéral appelé la Table ronde sur l’environnement et l’économie a remis son dernier rapport à la mi-octobre, où elle recommande la création d’un prix sur le carbone. Vous ne vous en souvenez probablement pas, mais cette Table est l’un des organismes victimes des coupures du gouvernement Harper en mars dernier, et c’est pourquoi ce rapport est donc son dernier.

Cet organisme avait été créé il y a 24 ans sous un autre premier ministre conservateur, Brian Mulroney, et il a pondu au fil du temps différentes analyses, à caractère économique, sur des stratégies par lesquelles les gouvernements pourraient s’adapter aux défis posés par les changements climatiques. Son dernier rapport s’intitule justement Définir notre avenir: Vers une économie faible en carbone. C’est là un virage, lit-on dans ce rapport, que le gouvernement Harper n’a pas entrepris jusqu’ici.

Et pour finir: les élections américaines et l’environnement. Vous ne le saviez peut-être pas mais il existe d’autres candidats à la présidence qu’Obama et Romney. Certains n’ont pu obtenir que le nombre de signatures leur permettant de se présenter dans quelques États seulement, mais d’autres sont présents à la grandeur du pays.

C’est le cas en particulier de Jill Stein, une docteur en médecine, et candidate à la présidence pour le Parti Vert. Une anecdote qui en dit long sur la place des tiers partis, Mme Stein a été arrêtée par la police il y a deux semaines, sur le campus universitaire où avait lieu un des débats Obama-Romney, alors qu’elle y manifestait... pour réclamer le droit à être elle aussi invitée aux débats télévisés.

(pause)

IB : Pascal, est-ce que le Québec a une aussi mauvaise performance que plusieurs le pensent, en matière d’évaluation environnementale? Ces dernières années, avec le gaz de schiste, avec le pétrole sur l’île d’Anticosti, avec la centrale du Suroît, avec le mont Orford, on a eu l’impression que la balance penchait souvent du côté des industriels ou des intérêts privés. On a l’impression que si l’opinion publique ne s’était pas soulevée contre ces projets, rien n’aurait pu les arrêter.

PL : Quand on se compare, on se console... L’organisme québécois en charge de mener des études d’impact, et d’écouter les doléances des citoyens, demeure assez bien coté à l’échelle internationale. Il s’agit du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, le BAPE. Il se compare favorablement à ce qu’on peut trouver, par exemple en France. Dans certains cas, il n’existe même pas d’équivalents, par exemple dans beaucoup d’États américains, quoique eux ont un gros organisme fédéral pour compenser.

Mais c’est indéniable que le BAPE fait l’objet de grosses critiques. Pendant les audiences qu’il a tenu sur l’exploitation de gaz de schiste en 2010, les groupes environnementaux ont pris pour acquis son parti pris en faveur du gouvernement —qui était alors, on s’en souvient, favorable à l’exploitation de gaz de schiste.

Pourtant, lorsque le rapport est finalement paru le printemps dernier, il plaidait en faveur d’un encadrement plus strict de l’industrie du gaz de schiste, ce qui est devenu une justification pour le moratoire temporaire que le Québec vit en ce moment. Des critiques du BAPE avaient aussi été soulevées dans son évaluation d’un dossier dont on a peu parlé à Montréal jusqu’à récemment, celui de la mine d’or Osisko, à Malartic.

IB : Oui, les médias montréalais ont commencé à s’y intéresser ces jours-ci, parce que la compagnie minière doit faire un gros dynamitage à quelques coins de rue de la ville. Le gouvernement prétend que la compagnie n’a pas fourni toutes les informations nécessaires pour obtenir l’autorisation de procéder à ce dynamitage. La compagnie prétend que tout était réglé, bref, ces derniers jours, le travail était suspendu.

PL : Exact. Quant au BAPE, il est lui-même revenu dans l’actualité ce mois-ci, lorsque son président, Pierre Renaud, a été limogé par le nouveau gouvernement du parti québécois. Son mandat de 5 ans avait pourtant été renouvelé en juin dernier par le gouvernement libéral.

Les groupes environnementaux ont semblé se réjouir de ce départ. Christian Simard, de Nature Québec, l’avait décrit comme une nomination politique. Et il faut souligner que le ministre de l’Environnement, Daniel Breton, alors qu’il était encore président du groupe environnemental Maïtre chez nous au21e siècle, avait lui-même vertement critiqué Pierre Ranaud le printemps dernier.

On ignore qui sera le prochain président du BAPE, mais plutôt qu’un simple changement à la direction, est-ce d’une réforme plus en profondeur dont a besoin le BAPE? Nos deux invités aujourd’hui le pensent...

Louis Simard, de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Il a récemmmment publié une lettre dans Le Devoir intitulée Repenser la démocratie participative au BAPE, et il est aussi co-auteur d’une étude plus volumineuse, en 2011, sur la genèse et l’évolution du BAPE. Vous aurez un lien sur notre site web.

Et Jean Baril, avocat spécialisé en droit de l’environnement, un critique de longue date du BAPE. Il a publié à ce sujet un livre, dès 2006, LE BAPE devant les citoyens. Pour une évaluation environnementale au service du développement durable.

Le BAPE, il faut d’abord le souligner à l’intention des sceptiques qui nous écoutent, est parti de bonnes intentions en 1978. C’était même, à cette époque-là, assez innovateur : donner la parole au citoyen, instaurer un mécanisme plus participatif —comme on dit aujourd’hui— chaque fois que des projets risquent d’avoir un impact sur l’environnement.

(écoutez à la suite à la 7e minute en cliquant sur le lien audio ci-contre)

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