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Mercredi dernier, 20 mars, le dévoilement d’une photographie d’un très jeune cosmos devenait la nouvelle de l’année... pour les métaphores. Portrait d’un Univers en figures de style.

«L’axe du mal cosmique». «Nous sommes les 5%». «Planck révèle un univers PRESQUE parfait.» «La plus ancienne lumière. Ou encore: «aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Twitter; il a un demi-milliardième de l’âge de l’Univers.»

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Beaucoup de tours et détours pour tenter d’illustrer, à défaut d’expliquer, la nouvelle qui fait frémir la cosmologie. Une photographie de l’Univers prise par le satellite européen Planck. Une photographie qui nous fait remonter aussi loin qu’il était possible de remonter dans le passé.

Mais on a beau dire qu’il s’agit d’un montage de photos datant de 13 milliards et demi d’années, «seulement» 380 000 ans après le Big Bang, le profane n’en ressort guère plus informé. Même aux yeux de ceux et celles fascinés à l’idée de voir le cosmos au moment où la lumière faisait pour la première fois son apparition, «ce n’est pas comme si l’humanité venait de prendre contact avec des extraterrestres», ironise le journaliste Charlie Petit.

Sur la photo ci-contre, les zones en rouge désignent ce qui était déjà plus chaud à l’époque, les zones en bleu, plus froid. On s’entend: les variations en question sont de l’ordre du millionième de degré. Tellement infimes que les missions précédentes, dans les années 1990 et 2000, ne pouvaient en détecter la plupart.

Ces variations de température sont néanmoins suffisantes pour être capable de dire que les zones en bleu sont celles où davantage de matière était d’ores et déjà en train de se condenser: ce sont les futures planètes, étoiles, galaxies. Ce qui confirme que, très, très tôt dans l’histoire, la matière n’était pas distribuée également aux quatre coins du cosmos.

Ce dont, il faut bien le dire, les astronomes se doutaient depuis longtemps. En revanche, il y a une grosse surprise: ces fluctuations sont plus importantes dans une moitié de l’Univers que dans l’autre. Comme s’il y avait un «axe» ou une «direction» privilégiée.

Et c’est ici que (re)surgissent les métaphores les plus douteuses, telle que «l’axe du mal cosmique». Ce que cette distribution signifie, personne n’en est sûr (le prédécesseur de Planck, le satellite WMAP, en avait également détecté des indices, en 2008). Deux spéculations reviennent à la charge depuis le 20 mars: cet axe de distribution de la matière serait-il la trace de quelque force d’attraction encore inconnue parce qu’opérant à une échelle plus gigantesque que celle que nous pouvons voir? Ou bien pourrait-il s’agir du résidu de quelque chose survenu «avant» le Big Bang?

Pour s’en sortir, autre métaphore, plus longue cette fois, de l’astronome Phil Plait:

C’est comme avoir une maison construite sur une légère pente. Debout dans une des chambres, vous ne remarqueriez rien, mais en mesurant l’élévation dans une pièce à une extrémité de la maison par rapport à une pièce à l’autre bout, vous pourriez noter une différence. Et même là, ça ne vous donnerait qu’un avant-goût de la taille réelle de cette colline.

«[Cette photo] peut ressembler à un ballon de foot sale ou à un tableau d’art moderne, mais je peux vous assurer que les cosmologistes auraient donné leurs enfants pour obtenir une copie de cette carte», a déclaré lors de la conférence de presse George Efstathiou, de l’Agence spatiale européenne. On présume qu’il s’agit d’une autre figure de style.

Ce n’est pas la première fois

La première carte du genre avait été produite il y a déjà 20 ans, en 1992, par un satellite appelé COBE (Cosmic Background Explorer), et le décodage de ses données débouchera sur un Nobel de physique. La seconde carte du genre est arrivée en 2003, grâce au satellite WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe). Aujourd’hui, avec cette troisième carte dont Planck a accouché, on a du coup une séquence que n’importe qui peut voir à l’oeil nu: d’une décennie à l’autre, la carte se précise très nettement.

Pourquoi cette date, 380 000 ans après la naissance de l’Univers? C’est qu’après le Big Bang, le cosmos était opaque. Si vous aviez pu vous y trouver (on voit mal comment), vous n’auriez rien vu: la lumière n’existait pas encore. Il fallait d’abord que l’Univers grandisse suffisamment et se refroidisse du même coup, pour qu’électrons et protons puissent s’unir —«recombinaison»— en des atomes, libérant des photons. Et la lumière fut.

C’était il y a 13 milliards et demi d’années: la carte réalisée par Planck est donc une carte du cosmos d’il y a 13 milliards et demi d’années, environ 380 000 ans après sa naissance. Cette «première lumière», c’est ce que les astrophysiciens appellent le rayonnement fossile: le seul indice direct qui nous reste des premiers instants après le Big Bang.

Détails, détails... Le travail accompli par Planck nous révèle aussi que l’expansion de l’Univers est légèrement moins rapide que ce qu’on avait calculé (la constante de Hubble, pour les intimes), ce qui rend l’Univers légèrement plus vieux: 13,8 milliards d’années plutôt que 13,7 milliards. Ce qui permet d’allouer à la matière «ordinaire» (celle qu’on connaît) une portion de la tarte légèrement plus grande (4,9% plutôt que 4,5%). Détails.

Tout cela provient des données récoltées par Planck pendant ses 15 premiers mois là-haut (2009-2010), mais 15 autres mois de données commencent à peine à être décortiqués. Et l’anomalie axiale cosmique risque d’être pesée et soupesée de toutes les façons connues... et à inventer. D'autres métaphores en perspective.

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