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S’il ne fait pas de doute que nos sociétés sont encore dépendantes du pétrole pour un bout de temps, «combien de temps» constitue le noeud du problème derrière la controverse du pipeline canado-américain Keystone. Et si ses promoteurs souhaitaient le construire au plus vite parce qu’ils craignent que, tôt ou tard, les Américains ne découvrent qu’ils n’en auront pas besoin?

C’est ce que laisse supposer un rapport du Conseil national de recherche des États-Unis publié à la mi-mars: on y lit qu’en 2030, le pays d’Obama pourrait avoir réduit de moitié la consommation d’essence des automobiles et camions, par rapport au niveau de 2005, uniquement par le passage à des véhicules moins gourmands en essence, ou partiellement électriques.

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Dans cette foulée, le président Obama a annoncé le 15 mars la création d’un Fonds de l’énergie de 2 milliards$ sur 10 ans, payé par des taxes sur l’essence et visant à accélérer la transition vers des véhicules moins polluants.

Le New York Times attachait le grelot le 24 mars, en mettant en doute l’argument principal des promoteurs canadiens du pipeline Keystone —ce pipeline qui doit permettre d’acheminer davantage de pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, jusqu’au Golfe du Mexique. Pour ses promoteurs canado-américains, ce pipeline serait indispensable pour réduire la dépendance des États-Unis aux carburants fossiles des pays politiquement moins stables, mais ce que ces promoteurs ne disent pas, prévenait le Times, c’est que bien des pays riches sont moins dépendants que les États-Unis aux carburants fossiles et qu’ils ne s’en portent pas plus mal... à commencer par le Canada lui-même:

Les gens qui sont convaincus que les États-Unis ont «besoin» du pétrole qui sortirait du Canada par le pipeline Keystone XL pourraient être surpris d’apprendre que le Canada a produit 63,4% de son électricité de sources renouvelables en 2011, en grande partie par l’hydroélectricité et un peu d’éolien (peut-être est-ce la raison pour laquelle le Canada a tout ce pétrole à vendre). Les États-Unis ont tiré seulement 12,3% de leur électricité des renouvelables en 2011.

L’éolien et le solaire sont encore des sources d’énergie plus coûteuses que le gaz ou le pétrole. Mais pour combien de temps? Treize pays, selon l’Agence internationale de l’énergie, ont tiré plus de 30% de leur électricité de sources renouvelables en 2011, et plusieurs visent plus haut. Si la transition devait prendre un siècle, le pipeline Keystone serait indispensable, mais si elle devait ne prendre que 20 ans?

Pour tous les observateurs —autant les promoteurs que les opposants au pipeline— la facture pour les électeurs américains sera l'élément déterminant de cette décision canado-américaine: le pays d’Obama contient assez de gaz naturel pour produire de l’électricité à plus faible coût que s’il effectuait immédiatement un virage vers l’éolien ou le solaire. Or, pour un nombre non négligeable d’électeurs américains, cet argument l’emporte pour l’instant sur les impacts du réchauffement climatique.

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