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Consommation d’alcool et de cannabis, jeux de hasard et d’argent, ces nouvelles ritualisations adolescentes inquiètent souvent les parents.

 

«Ils oublient pourtant qu’ils sont passés par là. Les jeunes ont un autre rapport à la réalité et veulent se singulariser en adoptant certaines pratiques, parfois plus à risque que le bal des finissants», relève Denis Jeffrey, professeur titulaire à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et co-organisateur du colloque consacré aux Ritualisations adolescentes, présenté la semaine dernière au congrès de l’Association francophone pour le savoir.

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Les rites de passage, présents dans les sociétés traditionnelles, sont généralement plus discrets —et moins glorieux— dans nos sociétés modernes. Avec le recul de la religion, les premières fois remplacent les confirmations de foi et tiennent souvent lieu de rites à franchir pour devenir des adultes: première «cuite», premier joint, etc. La morale et les lois seraient les dernières balises du passage au monde adulte.

Derrière la consommation de substances interdites, les adolescents affirment leur identité et leur appartenance à un groupe. «Ils essayent, mais ce n’est pas pour cela qu’ils deviennent moutons. Ils disent rester maitres de leur choix et s’affirment en décidant de consommer ou de ne pas le faire après avoir été initiés à ces substances illicites», explique Imaine Sahed, doctorante à l’École des hautes études en sciences sociales de France.

Les ritualisations adolescentes passent souvent par l’appropriation du corps: tatouages, scarifications, etc. Matériau plastique, ils le transforment alors selon leurs désirs et l’image qu’ils modèlent, précise Denis Jeffrey. Il s’agit aussi d’une certaine quête de la beauté pouvant entrainer des pratiques à risque chez les filles: anorexie, hantise du poil, refus de la sexualisation ou sexualité précoce, comme le rapportait l’étudiante à la maîtrise de l’Université Laval, Anne-Marie Melançon dans son intervention sur les Rites de féminisation à l’adolescence: une mise au monde via les cultes de la beauté.

L’exploration du risque

Entre 12 et 20 ans, c’est aussi l’âge où les jeunes explorent pour la première fois les jeux de hasard et d’argent à l’école et entre amis. Ils seraient plus nombreux à présenter des troubles pathologiques en lien avec cette pratique: 1,2% contre 0,7% chez les adultes. Pourtant, Annie Gendron de l’École nationale de police du Québec ne s’en inquiète pas. «Il s’agit de conduites exploratoires, comme la prise de drogue ou d’alcool. Si les jeunes expérimentent des conduites à risque, ils ne se transforment pas nécessairement en joueurs pathologiques», insiste la chercheuse.

Les jeunes aiment jouer. Poker en ligne, paris entre amis, «gratteux» –des cartes à gratter qu’ils reçoivent souvent en cadeau—, ils aiment autant les jeux d’habileté que ceux de hasard. Ce n’est généralement pas la mise qui importe, bien qu’elle soit un stimulant. Sa recherche, qui a été menée auprès de 1870 élèves du secondaire âgés de 14 à 18 ans, conclut d’ailleurs que les troubles pathologiques émergent surtout chez les jeunes qui adoptent un mode de vie plus déviant impliquant l’alcool et la drogue. Et souvent, ils ne présentent que 2 à 4 des critères du DSM, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

Il faut cependant être attentif aux conséquences de cette pratique sur le jeune. «S’il s’isole, manque l’école ou ne fréquente plus ses amis, c’est que le jeu affecte sa vie et ses relations. Ça devient alors problématique», rappelle Mme Gendron. Mais il faut plutôt miser sur la prévention et l’encadrement des pratiques que de «démoniser» le jeu!

Passion Zombie

Plus de 5000 personnes, principalement des moins de 25 ans, ont participé à la Marche des zombies de Montréal. Un attrait pour la mort qui grandit chez les jeunes. Il serait lié à l’absence de rites de passage où l’on parle et transmet les représentations culturelles de la mortalité. «La mort est occultée, c’est pour cela qu’elle revient dans la fiction. Les jeunes y sont sensibles, mais on ne leur en parle plus. Ils vont s’y intéresser tout de même», affirme le chercheur Denis Jeffrey. Ces manifestations sont une bonne occasion, selon lui, de jouer avec la mort, mais aussi d’assumer sa mortalité, la fragilité et les souffrances liées à la condition d’être humain.

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