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À l’heure des révélations sur l’État-surveillance grâce aux Edward Snowden, Bradley Manning et autres WikiLeaks, un trio de chercheurs s’étonne que la recherche en sciences sociales et en psychologie ne se soit pas encore davantage penchée sur ce qu’est un lanceur d’alerte.

 

Notre travail, écrivent Adam Waytz, Liane Young et James Dungan, démontre que la volonté d’une personne de révéler des comportements qu’elle juge contraires à l’éthique, «repose sur un équilibre entre deux valeurs fondamentales, l’équité et la loyauté». Mais la question à laquelle personne n’a encore cherché à répondre, c’est le seuil de tolérance qui, chez chaque personne, créera un déséquilibre entre ce qu’elle perçoit comme de l’équité et de la loyauté: en d’autres termes, quels sont les facteurs qui détermineront que cette personne jugera qu’il vaut la peine d’être «déloyale» —alors que ses collègues, eux, garderont le secret.

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Le champ n’est pas entièrement vierge, ont écrit ces trois auteurs —deux psychologues et un chercheur en organisation et gestion des entreprises— dans une lettre d’opinion publiée dans le New York Times et dans une autre parue dans le Scientific American . Mais alors que cet été serait on ne peut plus propice à ce type de recherche, on reste devant beaucoup plus de questions que de réponses sur ce qui motive un lanceur d’alerte —en anglais, whistleblower. Autant ceux qui les voient comme des héros que ceux qui les voient comme des traîtres s’en tiennent généralement à leurs perceptions de départ et ne se posent plus de questions.

Jusqu’à maintenant, l’essentiel des travaux a été mené par des économistes, des experts en gestion et en comportement, examinant les causes organisationnelles et les conséquences des lanceurs d’alerte.

 

Entre autres questions pour lesquelles on manque de données:

  • Y a-t-il des facteurs qui facilitent le succès d’un lanceur d’alerte. En effet, à côté de ceux dont on parle beaucoup ces temps-ci (Edward Snowden, dont les révélations sur la surveillance électronique par nos gouvernements continuent de causer des remous des deux côtés de l’Atlantique), il y en a beaucoup plus qui ont levé le voile sur des secrets gênants (pour leur compagnie ou leur gouvernement) et dont les révélations ont eu peu d’échos.
  • Est-ce que des incitatifs peuvent aider à tirer la sonnette d’alarme. Par exemple, une récompense financière? La question est d’actualité, dans la mesure où quelques gouvernements, dont Washington, ont mis en place ces dernières années des politiques pour tenter d’encourager de telles personnes à sortir de l’ombre —les scandales de Wall Street à la fin des années 2000 ont contribué à cet effort.
  • Comment l’identification à un groupe façonne-t-elle notre perception des lanceurs d’alerte —c’est en partie le sujet de recherche du trio mentionné plus haut.

 

Cette dernière question est épineuse: si la perception qu’ont les citoyens d’un Manning ou d’un Snowden était vouée à rester diamétralement opposée, dépendamment du parti politique auquel chacun adhère, il n’est pas sûr que ça encouragerait tant de gens à sortir de l’ombre. Parce que peu apprécient la perspective d’ëtre ostracisés par la moitié de la population. Comme le disait le psychologue Frederick Alford au début de l’été, alors que commençait à peine «l’affaire Snowden»:

Les humains sont des êtres tribaux, et même si la société considère en théorie les lanceurs d’alerte comme des gens courageux, en pratique, tout tend vers un sentiment d’inconfort à l’égard de ceux qui brisent les rangs de la tribu.

 

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