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Nous vous proposons d’ici le 22 novembre prochain, jour de célébration de ses 35 ans, de passer en revue certains de ses bons coups… et d’autres curiosités. Dans la LNH : il y a discrimination contre les Francophones

Les hockeyeurs francophones sont meilleurs que les anglophones! L’affirmation ne vient pas de fanatiques du hockey, mais d’économistes de l’Université d’Ottawa, qui ont profité du dernier congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences pour présenter les résultats de leur étude sur la discrimination dans la Ligue nationale de hockey (LNH).

Marc Lavoie, Serge Coulombe et Gilles Grenier ont utilisé une foule de statistiques pour démontrer qu’un joueur francophone soit être plus talentueux qu’un anglophone pour décrocher un poste dans cette ligue. L’étude ne s’arrête pas là. Ces travaux pourraient même déboucher sur une véritable théorie de la discrimination.

Des statistiques scrutées à la loupe

Ce n’est pas la première fois que Marc Lavoie et Serge Coulombe produisent une étude qui tend à mettre en lumière la discrimination dont seraient victimes les francophones dans le sport. Leur première étude avait été très mal accueillie l’an dernier, particulièrement par al presse sportive. On leur reprochait principalement d’utiliser uniquement le nombre de buts et de points obtenus par un joueur, éléments qui ne mesurent qu’une facette du jeu.

Cette fois, ils ont eu recours à un plus large éventail de statistiques. Tout y passe ou presque, l’âge, la taille, le poids, l’expérience, le rang de sélection au repêchage, la moyenne de buts par partie, les tirs au filet par partie, la fiche des « plus ou moins », etc.

Les chercheurs se sont attardés particulièrement à cette fiche de « plus ou moins », qui indique si un joueur était sur la glace lorsque son équipe a compté un but (plus) ou lorsque l’équipe adverse a marqué (moins). « Évidemment, il y a une limite au “plus et moins”; les joueurs qui préconisent un style défensif (comme Bob Gainey) ont souvent des fiches négatives parce qu’ils jouent toujours contre le meilleur trio de l’adversaire », reconnaît Marc Lavoie. Toutefois, la fiche des « plus ou moins » donne un bon aperçu de la qualité générale d’un joueur.

Les Francophones et Européens sont les meilleurs

Selon l’étude de M. Lavoie et S. Coulombe, les attaquants et défenseurs canadiens-français et européens ont en général une performance meilleure que celle de leurs homologues canadiens-anglais et américains, sensiblement les mêmes.

D’après leurs calculs, les attaquants canadiens-français ont, en moyenne, une fiche de « plus 1,71 », alors que les anglophones sont à « moins 1,49 ». Chez les défenseurs, ka différence est encore plus marquée : « moins 0,94 » pour les anglophones, comparativement à « plus 15,23 » pour les francophones. Les francophones comptent plus de buts par partie, tirent plus au filet, obtiennent plus de points par partie, marquent plus régulièrement en avantage numérique, et passent moins de temps au banc des pénalités. Les francophones sont généralement choisis plus rapidement au repêchage.

Les Noirs aussi

Par ailleurs, des statistiques publiées récemment par La Presse, tirées du New York Times magazine, tendent également à montrer que les Noirs doivent être meilleurs pour accéder aux ligues majeures de baseball. On y apprend que 32 % des Noirs ont maintenu une moyenne au bâton supérieure à .289 comparativement à 15 % des Blancs. Chez les lanceurs, 40 % des Noirs ont conservé une moyenne de points mérités inférieure à 3,00, contre 11 % des Blancs.

De la subjectivité pro-anglophone

L’écart énorme entre les défenseurs francophones et anglophones représente un élément important de l’ébauche de théorie avancée par Marc Lavoie et Serge Coulombe.

Généralement, on considère que la position de défenseur est al plus difficile à évaluer. On ne peut tenir compte des buts comptés par exemple. « Les gens les mieux placés pour évaluer un défenseur sont souvent le compagnon de ligne ou l’attaquant adverse qui doit le contourner », souligne Serge Coulombe.

C’est ici que la théorie surgit des statistiques. Les chercheurs de l’université d’Ottawa croient que plus il est difficile de mesurer objectivement la performance d’un joueur, plus il y aura de discrimination parce que la subjectivité prendra plus de place dans l’évaluation du joueur. Autrement dit, devant l’absence de références précises et objectives, un agent recruteur aura tendance, consciemment ou non, à introduire en faveur des joueurs de sa propre langue des éléments flous du genre « il complète bien ses mises en échec », « il joue bien sa position », « il est un boute-en-train dans le vestiaire », ou « il a une bonne gueule ».

Une théorie de la discrimination

Pour le moment, cette théorie est surtout une hypothèse de travail. Elle a encore besoin d’être raffinée, mise à l’épreuve, et vérifiée plusieurs fois. Elle pourrait éventuellement s’appliquer non seulement à d’autres disciplines sportives, mais aussi à d’autres domaines où l’évaluation du personnel ne peut être faite avec des critères précis et objectifs.

Les chercheurs ne se font pas d’illusion cependant sur l’impact de leur recherche. « Lorsqu’on veut cacher un problème, il y a toujours moyen de justifier des écarts par d’autres arguments, de nier qu’il y a discrimination », remarque Marc Lavoie. Membre à deux reprises de l’équipe olympique canadienne en escrime, Marc Lavoie connaît bien tous les visages de la discrimination : « Tant qu’il n’y aura pas plus de francophones aux postes de direction des fédérations et des équipes sportives, les athlètes canadiens-français devront continuer à être des supervedettes pour percer dans le sport amateur et professionnel. »

- Article rédigé par Gilles Drouin, 7 juillet 1987

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