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Il y a 35 ans, une idée qui, à l’époque, avait pu paraître farfelue, allait germer parmi les médias québécois : une agence de presse spécialisée en science, destinée à alimenter les petits médias en nouvelles scientifiques.

Depuis sa fondation, l’Agence a bien changé : d’un service de nouvelles desservant l’ensemble des hebdos régionaux à ses débuts, elle est devenue, depuis l’avènement d’Internet, un imposant site d’informations scientifiques, rejoignant des centaines de milliers de passionnés chaque année, dont une importante proportion venant de France.

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Nous vous proposons d’ici le 22 novembre prochain, jour de célébration de ses 35 ans, de passer en revue certains de ses bons coups… et d’autres curiosités.

Le Sommet de la Terre, un tournant historique?

Après deux ans de discussions dont l’aboutissement a été le Sommet de la Terre, tenu à Rio de Janeiro en juin 1992, les 178 pays membres des Nations Unies ont maintenant en main un premier plan vert planétaire. Appelé « Agenda 21 », ce plan d’action balise la voie vers le développement durable. Cependant, la portée réelle du document, comme de tout ce qui a résulté du Sommet, dépendra du bon vouloir des gouvernements.

La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED), comme était officiellement appelé le Sommet, avait surtout et incontestablement une forte valeur symbolique. C’était le premier rendez-vous de l’après-guerre froide pour près d’une centaine de chefs d’État et de gouvernement. À leur suite : 30 000 participants et 6000 journalistes.

Le bilan de ces discussions sur l’environnement et le développement : des conventions sur les changements climatiques et sur la biodiversité, une déclaration de principes et l’Agenda 21.

L’écologie, un enjeu stratégique

Dans les médias, on a beaucoup parlé des conventions sur la biodiversité et sur les changements climatiques. Cependant, c’est l’Agenda 21 et la Déclaration de Rio qui pourraient fournir l’inspiration nécessaire aux politiciens pour mettre la planète au vert.

Les 800 pages qui composent l’Agenda 21, adopté presque intégralement par les délégués au Sommet, n’oublient pratiquement aucun sujet touchant l’environnement et le développement : la lutte à la pauvreté, la modification des modes de consommation, la promotion de la santé, la protection de l’atmosphère, la lutte contre le déboisement, la diversité biologique.

Toutefois, sans contraintes juridiques, ces documents auront la valeur que les politiciens voudront bien leur donner. Ainsi, l’avenir seul dira si le Sommet de Rio fut un bide ou un véritable tournant historique vers une gestion écologique de la planète.

« Chose certaine, le Sommet de Rio a démontré que l’écologie est maintenant au centre des rapports de force du nouvel ordre international », a dit Pierre-Marc Johnson, conseiller spécial auprès du secrétaire général de la CNUED.

Par exemple, a souligné M Johnson, la Chine projette d’ouvrir 200 centrales thermiques alimentées au charbon, et donc très polluantes. « Elle annulera en un an, à toutes fins utiles, le gain obtenu grâce à la limitation des émissions de CO2 en Europe. On comprend mieux que l’environnement est un défi qu’il faut relever globalement, mais qu’en même temps, des rapports de force peuvent se dessiner dans les négociations internationales sur les questions d’environnement. »

L’affrontement Nord-Sud évité

De plus, d'un pays à l’autre, les intérêts liés à l’environnement sont apparus tellement différents que, contrairement à ce que plusieurs observateurs appréhendaient, l’affrontement Nord-Sud n’a pas eu lieu. Certains pays du Sud, victimes du réchauffement climatique, ont eu par exemple des positions plus proches du Canada ou des pays scandinaves — qui défendaient l’idée d’une convention plus musclée — alors que l’Inde et les pays arabes exprimaient des positions plus apparentées à celle des États-Unis, plus hésitants à réduire la consommation de carburants fossiles producteurs de CO2.

La Déclaration de Rio : 27 principes

Dans un tel contexte, c’est la Déclaration de Rio qui rejoint les vues des participants à la CNUED. Le document a d’ailleurs été adopté par les 178 délégations. Il édicte 27 principes qui devraient guider les gestionnaires de ressources naturelles.

Le principe 1 affirme que « les êtres humains ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ». Le principe 2 reconnaît aux États « le droit souverain d’exploiter leurs ressources tout en ayant le devoir de veiller à ce que leurs activités ne portent pas atteinte à l’environnement d’autres États ». Le principe 3 mentionne « le droit au développement en accord avec les besoins des générations présentes et futures ».

Plus loin, le principe 8 affirme que les États « devraient réduire et éliminer les modes de production et de consommation non viables et promouvoir des politiques démographiques appropriées » — c’est d’ailleurs un des rares passages où l’on fait état du problème démographique qui a été, autrement, le tabou du Sommet de Rio.

Controverse autour de l’Agenda 21

C’est à cette Déclaration de Rio qu’est rattaché l’Agenda 21. Les discussions autour de ce plan d’action ont cependant buté sur la stratégie pour mettre en œuvre ce programme. C’est compréhensible, car le tout est lié aux transferts de technologies, à la création de nouvelles institutions... et aux questions d’argent. Les experts des Nations Unies ont calculé qu’il en coûterait 600 milliards de dollars pour mettre en oeuvre ce plan vert. Là-dessus, une aide du Nord au Sud de 125 milliards était calculée. Actuellement, elle est de 55 milliards et celle rattachée plus directement à des problèmes d’environnement, est de deux milliards. Après le Sommet de Rio, il manquait toujours l’argent nécessaire pour enclencher concrètement le plan vert de la planète.

Des conventions douces

La Convention sur les changements climatiques ne fixe aucun échéancier qui aurait commandé une diminution des émissions de gaz à effet de serre. De plus, le projet d’une « écotaxe » sur le pétrole, mis de l’avant par les pays européens, a été refusé par les pays producteurs de pétrole. Au dernier jour de la conférence, 40 pays, dont le Canada, avaient néanmoins paraphé le document.

Il demeure que, dans les faits, chaque pays pourra adopter ses objectifs et son calendrier de réduction dans le cadre de son propre programme national. Ainsi, le Canada a déjà promis de limiter ses émissions de CO2 au taux de 1990 d’ici l’an 2000.

La Convention sur la biodiversité, qui vise à protéger les ressources biologiques et génétiques, a été boudée par les États-Unis — le seul pays industrialisé à ne pas l’avoir signée. Là aussi, une quarantaine de pays, dont le Canada, l’ont jusqu’ici adoptée.

Un Sommet fructueux? Peut-être... mais il reste que pendant ces deux semaines où on tâchait de s’entendre sur les stratégies à mettre en oeuvre pour sauver la planète, 170 000 hectares de forêts ont été coupés, 1750 espèces animales ou végétales sont disparues et quatre millions de nouveau-nés ont vu le jour. Une terre viable pour demain n’est décidément pas encore quelque chose d’acquis.

- Article rédigé par Raymond Lemieux, 4 août 1992

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