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Il n’y a rien d’économiquement important au pôle Nord. Ni pétrole, ni gaz, ni même une petite île. À moins que le bureau du premier ministre canadien n’ait des informations sur le père Noël qui auraient échappé aux scientifiques.

Le pôle Nord, c’est un point sur une carte, et rien de plus, explique Heather Exner-Pirot, de l’Université de la Saskatchewan et directrice de l'annuel Arctic Yearbook . C’est un point au milieu de l’océan, puisque l’Arctique est un océan, recouvert à cet endroit d’une couche de glace de 3 mètres d’épaisseur qui ne fond jamais, même en été. La terre la plus proche, l’île Kaffeklubben, est à 700 km de là, près du Groenland.

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Quant aux réserves gazières et pétrolières de l’Arctique, aussi approximatives qu’en soient nos connaissances, les cartes dressées par les géologues les montrent immanquablement sous la forme de quatre ou cinq grandes taches, dont deux de part et d’autre du Groenland, une troisième —le bassin Amérasie— au nord de l’Alaska et du Yukon et une autre —le bassin Barents Est— au nord de la Russie et de la Scandinavie. Bien que ces bassins couvrent, hypothétiquement, des milliers de kilomètres carrés, leurs extrémités les plus nordiques, au mieux des connaissances actuelles, n’en restent pas moins à des centaines de kilomètres du pôle.

C’est ce qui explique la surprise causée par les propos du ministre canadien des Affaires étrangères cette semaine. Alors que le Canada déposait aux Nations Unies le rapport censé contenir les justifications scientifiques pour la portion qu’il réclame de l’océan Arctique —comme la Russie et la Norvège l’ont déjà fait— le premier ministre aurait demandé à ses scientifiques de refaire leurs devoirs, selon le Globe and Mail , afin d’y inclure le pôle Nord. Dans les mots du ministre John Baird: «nous avons demandé à nos responsables et scientifiques de faire un travail additionnel pour s’assurer qu’une revendication de l’entièreté d’une plaque continentale dans l’Arctique inclut les revendications canadiennes sur le pôle Nord ».

Autrement dit, le rapport de l’équipe d’experts, dirigée par Jacob Verhoef, responsable de la cartographie de l’Arctique, aurait pu contenir les arguments géologiques plausibles —l’extension imprécise de la plaque continentale qui court sous l’Arctique— par lesquels le Canada pourrait réclamer une tranche de l’océan Arctique. Mais le bureau du premier ministre lui aurait demandé de trouver d’autres arguments géologiques.

Une position qui est intenable, a notamment réagi Michael Byers, auteur de Who Owns the Arctic? Understanding Sovereignty Disputes in the North . C’est de l’ingérence dans un processus scientifique très clair, s’est plaint dans le Toronto Star le chercheur ontarien James Manicom, pour qui ça lance un lourd processus de révision qui, à la commission des Nations Unies sur les limites des plateaux continentaux, pourrait s’étendre sur 10 à 20 ans. Ce qui est demandé aux scientifiques, ajoute la journaliste Valérie Borde, c’est de tricher.

Le document préliminaire déposé aux Nations Unies le 9 décembre ne parle essentiellement que des réclamations canadiennes sur l’Atlantique, avec une seule mention de l’Arctique.

Même si on découvrait des ressources inconnues au pôle Nord, il faut cesser de parler de l’Arctique comme d’un eldorado, souligne Kathrin Keil, de l’Institut de l’Arctique à Washington, dans son article «The Questionable Arctic Bonanza». Le plus gros gisement de pétrole de la région contiendrait, selon le Service géologique américain, de 1,3 à 6,6 milliards de barils, ce qui est moins qu’un seul lieu d’exploitation actuel, dans la baie Prudhoe en Alaska.

Sans compter la complexité d’aller installer une plateforme de forage au pôle Nord, à supposer qu’un jour toutes les glaces aient fondu, à un millier de kilomètres des terres les plus proches...

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