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Cette image d’un geyser de vapeur d’eau s’élevant d’une lune de Jupiter a frappé l’imagination. Mais pourquoi un tel geyser au-dessus de cette lune plutôt que d’autres lunes qui contiennent elles aussi de grandes quantités de glace?

Le premier coupable, soupçonnent les planétologues depuis 20 ans, serait la planète géante, Jupiter, qui jouerait sur sa petite lune le même rôle que joue chez nous... notre petite lune. Autrement dit, Jupiter créerait des marées sur sa lune, Europe.

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Premier rappel : Europe est recouverte d’une couche de glace qui pourrait faire, selon les plus grosses estimations, jusqu’à 100 kilomètres d’épaisseur. Beaucoup de lunes dans notre système solaire —Ganymède, Callisto, Encelade, etc.— abritent elles aussi de grandes quantités de glace. Mais chez celles-là, en l’absence de marées, la couche de glace reste stable.

Second rappel : il y a aussi 20 ans que les photos d’Europe montrent cette glace parcourue de fissures et de lézardes, ressemblant étrangement aux plaques de glaces de l’océan Arctique. D’où l’espoir, réalimenté la semaine dernière, que sur Europe, contrairement aux autres lunes, il y aurait une «couche» d’eau, loin sous la glace —un océan sous la glace, en quelque sorte.

Selon l’hypothèse avancée le 12 décembre dans la revue Science quand Europe est au plus près de Jupiter, l’effet de marée est à son plus fort, et les plaques de glace se resserrent. Quand elle est plus loin, la poigne de Jupiter se relâche un peu, des fissures apparaissent et de l’eau fuit dans l’espace. L’image révélatrice a été obtenue par le télescope spatial Hubble en décembre 2012, alors qu’Europe était à son point le plus éloigné de Jupiter.

Et ce n’est pas un petit geyser: celui-ci s’étendrait jusqu’à 200 km au-dessus de la surface.

Cette hypothèse a aussi le mérite d’expliquer pourquoi on n’a pas vu de tels geysers plus tôt. Bien qu’une sonde américaine appelée Galileo ait tourné autour de Jupiter de 1995 à 2003, elle a été rarement à proximité d’Europe. Et encore a-t-il fallu qu’Hubble observe le tout dans l’ultraviolet: ce qui a été vu en réalité, c’est un «point chaud» au-dessus du Pôle Sud d’Europe —par rapport au reste du cosmos, n’importe quoi qui se trouve au-dessus du point de congélation, c’est chaud— dont les longueurs d’ondes ont révélé l’abondance d’hydrogène et d’oxygène.

Deuxième coupable

Mais tout ne se résume pas qu’à Jupiter. La publication de cette photographie d’Europe arrive en même temps qu’une deuxième recherche qui suggère l’existence de plaques tectoniques actives sur Europe. Selon une présentation faite le 13 décembre par Simon Kattenhorn et Louise Prockter au congrès de l’Union géophysique américaine, Europe serait suffisamment «active», en termes géologiques, pour avoir de la nouvelle «croûte terrestre» qui se forme, en fonction du déplacement des plaques tectoniques. Ces déplacements favorisent la montée de magma jusqu’à la surface, soit le même processus qui se produit sur Terre, mais à une échelle plus réduite.

Or, si de telles plaques bougent et ouvrent un passage au magma, de la glace s’y engouffre aussi, produisant un cycle qui non seulement recycle la glace, mais apporte aussi des nutriments dans cette couche d’eau —d’où le rêve d’y trouver de la vie.

Mais comment le vérifier? Les planétologues tentent essentiellement de déduire ce qui se passe là-bas au moyen des données récoltées à distance ou par Galileo. Un exemple est une autre recherche parue en 2013: Mike Brown et Kevin Hand, de l’Observatoire Keck d’Hawaii, ont détecté des sulfates de magnésium dans le sillage d’Europe. Leur hypothèse : «l’océan» caché sous la glace est salé et ils en ont détecté une signature, parce qu'une petite partie finit par remonter jusqu’à la surface.

Mais il y a des limites à ce qui peut être détecté à distance, d’où les Destination Europe, Jupiter Icy Moon Explorer et autres projets brandis autant par des groupes de passionnés, par la NASA ou par l’agence spatiale européenne. Avec toutefois un dilemme: comment envoyer une sonde spatiale là-dessous sans contaminer irrémédiablement un tel environnement ?

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