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Si l’effondrement de six glaciers en Antarctique est annonciateur de catastrophes à venir, il ne faut pas non plus grossir des manchettes déjà suffisamment grosses: cet effondrement correspond à ce que les climatologues annonçaient depuis quelques décennies.

Il y avait longtemps qu’on n’avait pas autant parlé de l’Antarctique: la semaine dernière, deux études annonçant la disparition «irréversible» de six grandes masses de glace (d’en moyenne 3 km d’épaisseur) ont généré un intérêt nouveau pour la hausse du niveau des océans. Une hausse qui pourrait atteindre les quatre mètres «dans les prochains siècles».

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Selon la première de ces deux études ( Geophysical Research Letters ), ces glaces ont en effet dépassé le point de non-retour: leur partie inférieure est devenue instable et la fonte s’est accentuée depuis 40 ans. On a certes du temps pour respirer: le délai avant leur disparition totale, selon la deuxième étude ( Science ), peut s’échelonner entre 200 et 900 ans.

C’est néanmoins la première fois que des chercheurs confirment, sur la base d’observations en Antarctique, un processus jusqu’ici modélisé sur ordinateur. Et avec un chiffre de quatre mètres, ils ont alimenté bien des spéculations sur les villes qui seraient noyées en premier.

Mais le «200 à 900 ans» est davantage passé inaperçu, au point de laisser croire à certains lecteurs pressés —ou qui ne lisent que les grands titres— que la crise était « imminente ».

«Effondrement (collapse) est un bon terme scientifique, mais peut-être un mauvais terme» dans le contexte des nouvelles, a convenu le chercheur principal de la seconde étude, Ian Joughin, en entrevue avec le journaliste Andrew Revkin.

Dans les communiqués et les entrevues, ses collègues ont davantage mis l’accent sur le caractère irréversible de la chose: «la glace va se retirer de ce secteur pendant les décennies et les siècles à venir, et nous ne pouvons plus l’arrêter», a par exemple résumé le glaciologue Eric Rignot, de l’Université de Californie, co-auteur de la première étude.

Cette dernière équipe est réapparue dans l’actualité quelques jours plus tard avec une autre étude portant cette fois sur le Groenland, et soulignant que les glaces côtières y sont plus vulnérables que prévu aux courants chauds de l’Atlantique.

Antarctique instable

Pour revenir à l’Antarctique, toute la calotte glaciaire de l’Ouest est « instable », écrivait dès 1968 le glaciologue américain John Mercer. Ce qu’il avait constaté est ce qui a conduit aux conclusions d’aujourd’hui: le gros de cette immense masse de glace repose sur un lit rocheux qui se trouve sous le niveau de la mer. Qu’est-ce que cela signifie? Tout d'abord, les courants océaniques peuvent, là comme partout ailleurs, réchauffer les bordures de cette masse de glace. Sauf qu’ici, si ces bordures fondent trop, la masse de glace perd ses «ancrages», l’eau s’infiltre et remplit l’espace en dessous, accélérant la fonte de la glace, qui fait passer de plus en plus d’eau de mer en dessous, et ainsi de suite...

Les maires et les gouverneurs des villes et régions côtières ont à présent une raison de plus pour sortir leurs calculatrices: où élever des murs anti-inondations et quelles infrastructures déplacer en premier? La décision repose en partie sur la vitesse à laquelle se dégraderont des glaciers aux noms tels que Thwaites ou Pine Island, à l’autre bout du monde.

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