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Un témoignage d’agression sexuelle écrit par une scientifique, et paru jeudi dans le New York Times, fait jaser. Parce qu’il personnifie de façon poignante les froides statistiques publiées ces dernières années sur le sexisme et l’inégalité en science, en dépit de tous les efforts entrepris pour les éradiquer.

«J’étais une étudiante prometteuse», commence la géobiologiste Hope Jahren, aujourd’hui professeure à l’Université d’Hawaii, en rappelant son été de travail sur le terrain, en Turquie, en 1996. Alors qu’elle avait subi une agression qui l’a marquée et a marqué la suite de sa carrière.

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J’aime toujours les roches et je rêve toujours des mers anciennes de l’Égée, mais pour la majeure partie de ma carrière, je me suis scellée moi-même dans un laboratoire fermé, un petit monde bien éclairé que je peux contrôler. Je fais toujours du travail de terrain, mais je le fais dans des pays «sécuritaires» comme le Canada ou l’Irlande —où des choses similaires se produisent. Où serais-je allée si j’avais été la première personne à découvrir la chimie des isotopes des aquifères qui dorment sous l’ancienne ville d’Hiérapolis? Je ne le saurai jamais, parce que je n’y retournerai jamais. Je prendrai ma chance ailleurs et laisserai mes collègues masculins étudier les dépôts de travertin de la vallée de la rivière Menderes.

Son histoire n’est pas unique, ajoute-t-elle en rappelant qu’en juillet, une étude a permis de mettre pour la première fois des chiffres sur ce problème souvent discuté en coulisse: sur plus de 650 scientifiques, dont 516 femmes, les deux tiers ont rapporté avoir subi une forme ou l’autre de harcèlement sexuel, et une sur quatre a rapporté avoir subi une agression, souvent lors de travaux sur le terrain.

Les auteures de cette étude avaient aussi souligné que les pistes de solution ne s’arrêtent pas seulement à des mécanismes de surveillance.

Les politiques mettant l’accent sur la sécurité, l’inclusion et la collégialité, ont le potentiel d’améliorer l’expérience de terrain d’une diversité de chercheurs, surtout pendant les premières étapes de la carrière. Ceci inclut une meilleure prise de conscience des mécanismes pour rapporter directement ou indirectement du harcèlement ou une agression, et l’implantation de mécanismes productifs lorsque de tels comportements sont rapportés.

Ce langage abstrait fait référence à des cas très concrets où, sur différents campus universitaires américains ces dernières années, des plaintes d’agressions sexuelles ont reçu peu de soutien de la part des universités.

Mais le plus gros travail réside dans un changement de culture, et ça n’est pas juste un problème en science. Comme l’écrit, en réaction à la lettre du New York Times , la blogueuse «Dr Isis», une femme sur quatre dans la société en général rapporte avoir vécu une forme ou l’autre d’agression.

Mais la communauté scientifique a au moins, elle, l’avantage d'avoir des réseaux bien organisés, ajoute le biologiste Terry McGlynn :

Nos étudiants comptent sur nous pour créer un environnement qui favorise leur succès. La sécurité requiert un environnement conscient et une attitude respectueuse sur les lieux de travail. Et le lieu de travail inclut le terrain. Si c’est inapproprié à l’université, alors c’est inapproprié dans le désert, la forêt, le restaurant, le centre des congrès, le bar, ou l’entrée du laboratoire.

C’est aussi ce qu’aimerait voir émerger Hope Jahren, qui constate que tout effort pour attirer en science davantage de femmes —et surtout, les garder— devra regarder cette réalité en face.

En août, Lego a commencé à vendre une série appelée «Institut de recherche» qui met en scène trois femmes scientifiques: une paléontologue, une astronome et une chimiste. Je suis qualifiée dans deux de ces disciplines, et je peux vous dire que de jouer avec différentes séries de jouets ne préparera pas adéquatement vos filles à une carrière en science. Elles doivent apprendre que de suivre leurs rêves de science peut être à la fois merveilleux et dangereux.

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