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Coquillage par coquillage, des chercheurs tendent à présenter l’Homo sapiens comme étant de moins en moins unique. Mais ont-ils raison cette fois? Si un lointain cousin appelé Homo erectus avait vraiment une pensée artistique en émergence dans sa tête il y a un demi-million d’années, qu’est-il advenu ensuite de cette pensée et pourquoi n’en a-t-on jamais trouvé d’autres traces?

Les premières manifestations d’art qui ne font aucun doute sont vieilles de 40 à 50 000 ans et sont toutes reliées à l’Homo sapiens, c’est-à-dire nous. Un débat est en cours autour du Néandertalien: les coquillages colorés en Espagne ou les lignes dans la pierre à Gibraltar, qui ont entre 40 et 50 000 ans, sont-ils vraiment de lui? Quant à d'autres lignes tracées dans la pierre, en Afrique du Sud dont l’âge approximatif varie entre 60 000 et 100 000 ans, elles pourraient également être décrites comme une action délibérée pour dessiner quelque chose, mais les anthropologues continuent d’en débattre.

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Sauf que les lignes sur un coquillage annoncées cette semaine seraient, elles, vieilles d'environ 500 000 ans. Pour passer de 50 000 à près de 500 000 ans, ou même de 100 000 à 500 000 ans, il faut faire un bond énorme, et tous les experts ne sont pas prêts à aller jusque-là. Pour l’anthropologue américain John Shea par exemple, la principale raison d’être sceptique est qu’on n’ait jamais «rien trouvé de tel sur des centaines de milliers d’années et des milliers de milles, sur trois continents». Il fait allusion au très large territoire qu’a couvert l’Homo erectus, pendant une très longue période de temps.

L’Homo erectus est un cousin qui a quitté l’Afrique il y a (probablement) plus d’un million d’années, dont on retrouve des ossements à travers l’Asie et jusqu’en Indonésie. Les experts estiment que ses derniers représentants se sont éteints il y a 150 000 ans —soit avant que l’humain «moderne» ne quitte à son tour l’Afrique. Les coquillages qui attirent l’attention cette fois reposaient dans une collection néerlandaise depuis plus d’un siècle. Ils ont été ramassés dans les années 1890 sur l’île de Java, en Indonésie, par le paléontologue Eugène Dubois à qui on doit également la découverte d’ossements d’un humain primitif sur cette île —d’où son nom initial, «l’homme de Java», devenu plus tard l’Homo erectus.

Il y a sept ans, la biologiste marine Josephine Joordens, de l’Université Leiden aux Pays-Bas, se lance dans un recensement de cette collection de centaines de coquillages dont plusieurs appartiennent à une espèce aujourd’hui disparue. Un collègue archéologue prend des photos et, au grossissement, apparaissent ces formes géométriques, ressemblant à des zigzags, jusque-là invisibles à l’oeil nu. Ce sont ces observations qui sont parues dans l’édition du 3 décembre de Nature .

Le premier réflexe des «découvreurs» a été de comparer ces marques à celles d’autres coquillages: elles ne ressemblent à rien de naturel. Et il se trouve que plusieurs de ces coquillages ont aussi un ou deux trous, placés exactement là où il faudrait si quelqu’un voulait extraire la chair des mollusques, sans casser la coquille.

Percer ce trou demande déjà une dextérité qu’on n’a pas coutume d’attribuer à l’Homo erectus. Mais lui attribuer des «dessins» suppose un autre bond énorme. D’un autre côté, dans l’article de Nature, les 23 co-auteurs évitent des termes tels que art et symbolisme: personne, soulignent-ils, ne peut interpréter les intentions de l’individu qui a gravé ceci dans le coquillage. Mais il semble ne faire aucun doute pour eux qu’intention il y avait.

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