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Et si les climatosceptiques poursuivaient en justice un film pour atteinte à leur réputation (ou ce qu’il en reste)?

Alors que doit être lancé ce vendredi un documentaire sur «les marchands du doute», qui promet d’être critique à l’égard de ceux qui ont manipulé l’opinion publique pendant des décennies —des compagnies de tabac jusqu’aux compagnies pétrolières— on apprend qu’un des chefs de file des climatosceptiques a écrit à 30 personnes pour tester leur volonté de bloquer la sortie du film.

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Cette chaîne de courriels a été obtenue par le média Climate Wire d’une source qui, dit-il, les a reçus sous la forme d’un courriel transféré. La chaîne de courriels a été initiée par S. Fred Singer, un physicien de 90 ans qui est depuis longtemps à l’avant-scène de la lutte contre les climatologues, après avoir été à l’avant-scène de ceux qui niaient l’existence d’un lien entre tabac et cancer. Fred Singer apparaît dans le film.

L’un des participants à cette discussion est Willie Soon, dont les généreux dons de l’industrie des carburants fossiles ont été révélés la semaine dernière. Un autre, James Enstrom est un épidémiologiste qui a contesté la validité des recherches sur la fumée secondaire et celles sur la pollution par les particules en suspension. Enstrom allègue dans un courriel du 21 octobre être capable de «monter une bonne cause» contre l’historienne Naomi Oreskes, celle dont le livre, Les Marchands du doute, a inspiré le film. Il suggère également d’attaquer Oreskes en déposant un grief à l’Université Harvard, où elle enseigne, et à l’Université Stanford, où elle a obtenu son doctorat.

Dans son livre de 2010, Naomi Oreskes retrace l’histoire des campagnes de désinformation financées par les compagnies de tabac et gérées par des firmes de relations publiques: ces dernières embauchaient des scientifiques en leur donnant pour mission de donner des conférences ou écrire des lettres aux journaux, où ils prétendent qu’il subsiste un «doute» ou un «débat» dans la communauté scientifique. La même stratégie a été utilisée par les compagnies pétrolières et gazières pour nier les changements climatiques, parfois avec les mêmes firmes de relations publiques, depuis les années 1990.

Depuis les échanges par courriels de l’automne dernier, Singer a publié une lettre dans laquelle il se plaint du fait que le film le décrirait comme un «menteur payé», tout en admettant ne pas avoir vu le film. Il nie aussi avoir été financé par les compagnies pétrolières ou gazières dans le passé.

«Ce n’est pas une question de mensonge, explique Naomi Oreskes à Climate Wire . C’est plus tortueux. C’est quelque chose que nous appelons semeur de doute.»

Dans un texte paru cette semaine, l’auteur Michael Shermer (et éditeur du magazine Skeptic) appelle quant à lui ces gens les «pseudosceptiques»: cachés derrière des groupes de lobbying aux noms honorables, ils utilisent la carte du doute ou du scepticisme alors qu’ils défendent des intérêts commerciaux. Tabac, additifs alimentaires, produits ignifugés, émetteurs de gaz à effet de serre: dans tous ces dossiers, on retrouve des compagnies qui veulent empêcher un gouvernement d’adopter des lois susceptibles de nuire à leurs affaires.

Les gens qu’embauchent ces lobbyistes, explique Shermer, sont rarement des scientifiques et lorsqu’ils le sont, comme Singer, ils ne font jamais de recherches originales. Mais ils donnent l’illusion d’utiliser la science, à seule fin d’attaquer leurs vis-à-vis. «Le rôle du véritable scepticisme est de révéler les secrets de ces négationnistes, de manière à ce que leur magie disparaisse.»

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