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Quand vous aurez fini de lire ce paragraphe, les gouvernements du monde auront déjà payé un million de dollars à l’industrie des carburants fossiles. C’est ce que représentent 5300 milliards de dollars par an, ou 10 millions de dollars chaque minute. C’est davantage que ce que tous ces gouvernements paient en santé.

L’évaluation a fait d’autant plus sursauter cette semaine qu’elle provient du Fonds monétaire international (FMI), rarement soupçonné de pencher à gauche. Dans leur analyse, les experts du FMI qualifient ces chiffres de «choquants».

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En tout, les compagnies pétrolières et gazières bénéficieront donc en 2015 de subventions directes, d’incitatifs fiscaux et de cadeaux indirects totalisant 5300 milliards. Ceci dit, bien que les médias aient abondamment employé le mot «subvention» en traitant cette nouvelle depuis mardi, les «vraies» subventions, c’est-à-dire les sommes versées à l’industrie sous différentes formes (incluant des réductions de taxes), représentent 500 de ces milliards. Le reste, selon les calculs contenus dans le rapport publié le 18 mai, est constitué en bonne partie des coûts engendrés par la pollution sur l’environnement et sur la santé, coûts ensuite assumés par les gouvernements.

Ces derniers coûts sont ceux que les économistes appellent, dans leur jargon, des «externalités». Le calcul des externalités —positives ou négatives— sert parfois à justifier l’imposition d’une taxe sur un produit (les cigarettes, par exemple) ou un retour d’impôts (lors d’un don à un organisme de charité par exemple).

Externalités et subventions représentent dans ce cas-ci 6,5% du produit national brut (PNB) mondial. Le chiffre est plus élevé que dans une estimation de 2013 du FMI, non à cause de l’inflation mais en raison de tout ce qui a été inclus dans les externalités —et qui ouvre la porte à la critique. Comment, par exemple, calcule-t-on dès aujourd’hui les coûts des changements climatiques?

Toutefois, en se basant uniquement sur le calcul du présent rapport, la facture totale a augmenté de 3 milliards par année entre 2011 et 2014.

Le FMI ne questionne pas seulement le gigantisme de l'impact qu'ont les carburants fossiles sur l'économie. Il questionne sa logique purement économique: les subventions directes ou indirectes sont à un tel niveau qu’elles découragent les investisseurs tentés de financer d’autres formes d’énergies. Commentant l’étude dans le journal The Guardian, l’économiste britannique Nicholas Stern s’insurge:

Cette importante analyse détruit le mythe que les carburants fossiles sont peu coûteux, en nous montrant quels sont les véritables coûts. Il n’existe aucune justification pour ces énormes subventions aux carburants fossiles, qui déséquilibrent le marché et endommagent l’économie, particulièrement dans les pays les plus pauvres.

Le rapport évalue que de mettre fin à ces cadeaux serait une façon efficace de réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre. Et de renvoyer le prix du pétrole à sa juste valeur. Et de sauver 1,6 million de vies par année : une estimation du nombre de morts évitables causées par la pollution de l’air.

À eux seuls, la Chine (2300 milliards) et les États-Unis (700) contribuent pour plus de la moitié de la facture, suivis de très loin par la Russie (335 milliards), l’Union européenne (330) et l’Inde (277).

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