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Un biochimiste qui défend l’astrologie. Un physicien qui fait la promotion de l’eugénisme, ou sélection des humains par leur «race». Un virologue qui se tourne vers l’homéopathie. Un chimiste qui affirme que la vitamine C guérit le cancer. Qu’ont-ils en commun? Ils ont tous gagné un Nobel... avant.

Il est facile d’oublier que les Nobels ne sont pas des gens infaillibles, tant le prestige attaché à ce prix les place sur un piédestal. «Aucun autre prix en science n’atteint une telle visibilité», commentait l’auteur Matthew Francis dans Forbes en juin dernier. «Les lauréats sont en demande comme auteurs de livres, professeurs d’université et conférenciers pour des groupes de scientifiques ou pour le grand public.» Francis faisait ce commentaire après qu’un Nobel, le Britannique Tim Hunt, ait créé une controverse internationale pour ses propos sexistes devant un auditoire de... femmes scientifiques.

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«Avec les Nobels, écrivait pour sa part en 2014 le biologiste britannique Adam Rutherford, nous plaçons les gens sur un piédestal et leur donnons des plateformes pour dire tout ce qu’ils veulent. Du coup, ils représentent la science, mais contrairement au stéréotype, il n’existe pas de scientifique typique. Nous sommes juste des gens ordinaires.» Rutherford faisait ce commentaire en réaction à une controverse entourant son collègue James Watson, co-découvreur de l’ADN, pointé du doigt pour ses commentaires racistes.

La première conséquence de cette célébrité démesurée est qu’une partie importante du public croira à quoi que ce soit qui sortira de la bouche d’un Nobel —une réalité dénoncée notamment par ceux pour qui ces prix sont devenus un anachronisme. Et la seconde conséquence de cette célébrité est que certains de ces Nobels en viennent peut-être eux-mêmes à croire à leur infaillibilité, postule le chirurgien et blogueur David Gorski depuis une dizaine d’années :

Je me suis demandé comment certains lauréats, après avoir accompli tant de choses en science, après s’être dépassés eux-mêmes en faisant au plus haut niveau des contributions fondamentales à notre compréhension de la science... ont pu finir par embrasser des théories douteuses ou des pseudosciences flagrantes. En sont-ils venus à se voir eux-mêmes comme tellement plus créatifs que les autres scientifiques? Est-ce que le fait de gagner le Nobel a conduit certains à croire que le génie qu’ils ont démontré dans leur champ d’expertise s’appliquait aussi aux autres champs d’expertise?

On doit à Gorski l’expression ironique «maladie du Nobel», ajoutée en 2008 au Dictionnaire des sceptiques (Skeptic’s Dictionary) : «une fois qu’un expert commence à faire des affirmations en-dehors de son champ d’expertise, son autorité n’est pas plus grande que la vôtre ou la mienne».

Parmi les dérapages les plus célèbres :

Tous ceux-là ont attendu quelques années pour passer de l’autre côté du miroir. Le record est détenu par Nikolaas Tinbergen, qui a profité de son discours d’acceptation du Nobel de médecine en 1973, pour annoncer une théorie fumeuse sur l’autisme qui serait causé par la «mère frigide».

À la défense du symbole, ceux-ci ne représentent qu'une fraction des plus de 500 scientifiques qui ont reçu l'un des trois Nobels de science —médecine, chimie, physique— depuis 115 ans. Mais ils sont assez nombreux pour servir d'illustration aux éducateurs qui rappellent continuellement qu'en science, la célébrité ne peut jamais servir à renforcer une opinion: seules comptent les données solides.

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