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Les visages des jeunes victimes des attaques terroristes de Paris circulent sur les réseaux sociaux et remplissent les pages des médias dont les projecteurs pointent toujours la capitale française endeuillée.

« L’acte terroriste est la pire des catastrophes. L’ennemi est anonyme, partout et invisible, augmentant d’autant le sentiment d’insécurité. Cette attaque vise l’intégrité physique des personnes, leur sécurité et leur croyance en l’humanité », explique Danielle Maltais, titulaire de la nouvelle Chaire de recherche de l’Université du Québec à Chicoutimi sur les événements traumatiques, la santé mentale et la résilience des individus.

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Depuis 1996, cette chercheuse se penche sur les conséquences de catastrophes et des événements traumatiques sur la santé des victimes et des intervenants. De la crise du verglas, en passant par l’étude des inondations et des glissements de terrain majeurs jusqu’au drame de Lac-Mégantic, elle cherche à mieux documenter les stratégies d’adaptation et de résilience individuelle afin de développer des outils d’intervention auprès des personnes vulnérables. Du traumatisme à la résilience

À Lac-Mégantic comme à Paris, la majorité des victimes sont principalement des jeunes de moins de 30 ans touchés dans des lieux de loisirs – cafés, restaurants, salle de spectacle et stade, pour Paris. Parmi les victimes et leurs proches, entre 25 et 50 % seraient à risque de développer un état de stress post-traumatique (ESPT).

Ces personnes ne parviennent pas en effet à surmonter les événements traumatiques avec la même résilience. « Des projets de vie sont retardés ou mis de côté, souligne la chercheuse. Certaines personnes sont capables de grandir et d’affronter l’avenir avec plus de force, mais pas toutes. Avoir une personne significative – un ami ou un professeur – peut faciliter le processus puisque nous avons besoin de soutien pour transcender ce type d’épreuve. » Les répercussions de ces événements traumatiques touchent aussi toutes les sphères de la vie : sociale, familiale et professionnelle.

Les publications scientifiques donnent trois définitions distinctes de la résilience. Elle se présente d’abord sous un trait de personnalité, mesurable par des tests, comportant certaines caractéristiques : l’attachement sécuritaire dans l’enfance, l’humour, l’optimisme, etc. Elle constitue une « résistance positive » de certains individus exposés à une catastrophe ou à un événement traumatique qui les protège des problèmes de santé mentale. Elle serait enfin un processus d’adaptation facilitant le sentiment de cohérence et donnant un sens au vécu.

Danielle Maltais mélange les deux derniers concepts pour un regard unique sur la résilience. « Tout le monde ne développera pas de résilience et un individu peut être résilient à un type d’événement – comme la perte de son emploi ou de son enfant —, mais pas à un autre. Et nous cherchons toujours à comprendre pourquoi », souligne-t-elle.

Le pouvoir des mots

La chercheuse codirige actuellement un ouvrage scientifique sur les mécanismes de prise en charge de la catastrophe de Lac-Mégantic dont la publication est prévue au cours du printemps 2016. « L’équipe de rétablissement — les intervenants du CSSS du Granit – a fait un travail admirable, à l’écoute de la population dont 75 % des membres vivent un deuil suite au déraillement du train. »

Dans ce cas et comme dans d’autres, « des rencontres ou des groupes de parole ont aidé les victimes à mettre des mots sur leurs émotions et leur douleur pour qu’elles puissent reprendre leurs activités quotidiennes. » Et cela loin des nouvelles. « Écouter les nouvelles en boucle les expose au discours guerrier des autorités – “temps de guerre”, “exécution”, “frappes”, etc. – et alimente le stress des individus », avertit-elle.

Différentes interventions peuvent aussi être entreprises pour soutenir les personnes accablées par les récents attentats où qu’elles soient. Par exemple, à Chicoutimi, où la chercheuse poursuit ses recherches, les 300 étudiants universitaires originaires de France ont pu participer à un groupe de parole, fabriquer une mosaïque de mots de soutien et assister à une conférence sur la résilience et le deuil à laquelle participait Mme Maltais.

En plus, de participer à une réunion spontanée de 400 personnes le lendemain des attaques pour une minute de silence devant l’université. « Ils se sentent coupables de ne pas pouvoir soutenir leurs proches et en même temps impuissants et loin des événements », soulève Danielle Maltais.

Devant une telle incompréhension, le soutien social de la communauté qui les accueille participera à la construction de sens. Il formera également un rempart contre le désespoir et activera le long processus du deuil.

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