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On n’a pas fini d’entendre parler de la fuite de méthane en Californie : elle pourrait durer encore deux mois. Et on commence à s’interroger sur tous ces dépôts de méthane aux infrastructures tout aussi vieillissantes...

Quel impact aura la fuite en Californie sur les émissions globales de méthane?

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La fuite, qui a commencé le 23 octobre, ne fera pas augmenter la température de la Terre de façon perceptible, mais au 31 décembre, les 72 000 tonnes métriques de méthane relâchées jusque-là dans l’atmosphère représentaient tout de même le quart des émissions de méthane de la Californie pour 2015. Au rythme où vont les choses, la fuite pourrait se poursuivre jusqu’en mars. Chacun des mois équivaut à ce qu’émettent environ 200 000 voitures en une année. Ou, selon une estimation du Fonds américain de défense de l’environnement (EDF), l'équivalent de l’énergie utilisée par 3 millions de résidences depuis le 23 octobre.

Quel genre de fuite?

On ignore ce qui a provoqué la fuite. Mais on sait que celle-ci provient d’un «trou de sept pouces» (18 cm) dans la paroi recouvrant un puits, à 914 mètres de profondeur et à une cinquantaine de kilomètres du coeur de Los Angeles. Il a fallu trois jours à la compagnie gazière, Southen California Gas Company, pour admettre l’existence d’une fuite, trois semaines pour admettre que ce n’était pas une fuite ordinaire —comme il s’en produit régulièrement un peu partout dans le monde— et un mois pour que les autorités de la région admettent la possibilité de risques pour la santé.

Ce méthane n’est pas là naturellement. Il s’agit d’une caverne souterraine où est entreposé du gaz, acheminé jusque-là par pipeline, puis récupéré par des puits comme celui qui fuit en ce moment. Le Dépôt de gaz du Canyon Aliso est le plus gros «entrepôt» souterrain de méthane de l’ouest des États-Unis. Il s’agit d’une cavité naturelle d’où avait été extrait du pétrole des années 1930 aux années 1960. Une fois la cavité vidée de son pétrole, la compagnie gazière en est devenue propriétaire en 1972. Le méthane sert à alimenter résidences et industries de la région.

Est-ce dangereux?

Pour la population locale, oui et non. Quelque 2300 familles ont été évacuées en décembre de la ville la plus proche, Porter Ranch, à moins de deux kilomètres de là —une banlieue de Los Angeles. Des citoyens ont rapporté maux de tête et nausées. Le gouverneur de la Californie a décrété l’état d’urgence le 6 janvier.

Depuis des semaines, des échantillons d’air récoltés dans les zones résidentielles détectent un taux anormal de méthane, d’éthane et de propane. Aucun de ces gaz n’est toxique, mais à des concentrations trop élevées, l'inhalation de méthane peut entraîner des problèmes respiratoire ou même neurologiques.

Est-il normal d’emmagasiner de telles réserves de méthane si près d’une zone habitée?

D’après le ministère de l’Énergie des États-Unis, c’est fréquent. Les compagnies gazières se servent d’anciens dépôts de pétrole, privilégiant de plus ceux qui sont, justement, à proximité des «centres de consommation»: en d’autres termes, les villes.

La plupart des sites d’entreposage de gaz naturel aux États-Unis sont des réserves déjà forées de gaz ou de pétrole, qui sont à proximité des centres de consommation. La conversion d’un tel site de production pour de l’entreposages s’appuie sur des puits déjà existants, des systèmes de récupération et une connexion à des pipelines.

Pourquoi est-ce si difficile à colmater?

Pour les mêmes raisons que le puits du Golfe du Mexique qui fuyait en 2011 était difficile à colmater : il faut d’abord construire un puits «de secours» qui va descendre en-dessous de la fuite (jusqu’à 1524 mètres) de manière à permettre au flot de méthane de s’échapper ailleurs (et d’être récupéré). À ce moment, espère-t-on, la compagnie devrait être capable de placer un «bouchon» temporaire.

Au contraire du Golfe du Mexique toutefois, le travail est compliqué par le fait qu’il y a d’autres pipelines dans les parages, et qu’on veut éviter de provoquer une autre fuite en creusant trop vite.

La compagnie a-t-elle été négligente?

La compagnie Southen California Gas se fait à présent accuser d’avoir su depuis longtemps que ses puits âgés se détérioraient et d’avoir été confrontée à d’autres infrastructures vieillissantes autour du site Aliso. Les autorités locales commencent toutefois à se faire pointer du doigt pour leur laxisme : le LA Weekly rapporte que le puits n’aurait pas été inspecté depuis 1976. Une valve de sécurité, qui aurait pu bloquer l’arrivée de méthane, a été enlevée en 1979 pour cause d’usure, et n’a pas été remplacée.

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